lundi 7 mai 2018

THE TROUBLE WITH BLISS, de Michael Knowles


Si vous n'aviez pas déjà retenu son nom il y a deux ans quand elle a reçu l'Oscar de la meilleure actrice (pour Room, de Lenny Abrahamson), alors il y a fort à parier que l'an prochain, avec la sortie des films Captain Marvel et Avengers 4, Brie Larson ne soit plus une inconnue, une fois qu'elle aura intégré le MCU. En attendant, révisez un peu la filmo de cette jeune femme de 29 ans, déjà fournie et variée comme en témoigne sa prestation dans ce The Trouble with Bliss, tourné il y a six ans.


 Morris Bliss et Stephanie Jouseski (Michael C. Hall et Brie Larson)

Morris Bliss, 35 ans, sans emploi, rencontre Stephanie Jouseski, 18 ans, chez un disquaire où il cherchait un cadeau d'anniversaire pour son père, Seymour, chez lequel il vit. Aussitôt, elle l'attire dans un recoin de la boutique et l'embrasse fougueusement puis ils montent dans sa chambre (à lui) pour y faire l'amour. Une épiphanie pour Morris.

Morris et Stephanie

Mais en apprenant le nom de famille de la jeune femme, il comprend qu'elle est la fille d'un de ses anciens camarades de lycée, Steve, avec qui il fit les quatre cents coups, et mesure l'étendue des ennuis dans lesquels il vient de se fourrer si jamais cela vient à la connaissance du père de Stephanie. Une inconséquence de plus pour lui auquel Seymour reproche de ne pas envisager sérieusement son avenir et qu'il menace de lui couper les vivres.

George et Morris (Chris Messina et Michael C. Hall)

Morris affranchit son ami George, un gentil loser mythomane, de sa situation, avant de croiser par hasard, devant un immeuble qu'il est chargé de réhabiliter, Steve Jouseski ! En lui faisant visiter le chantier, ils tombent sur trois squatteurs devant lesquels ils doivent battre en retraite. Culpabilisant trop pour lui refuser quoi que ce soit, Morris promet à Steve de l'aider à se débarrasser de ces intrus.

Andrea et Morris (Lucy Liu et Michael C. Hall)

En attendant, Morris fait la connaissance d'une de ses voisines, la séduisante Andrea, qui lui propose un job - tester des aliments - et lui confie sa condition d'épouse délaissée, en le draguant ouvertement. Comme si cela ne suffisait pas, Sephanie informe Morris qu'elle veut le présenter à ses parents pour les convaincre de le laisser l'accompagner au bal de promo. Il hésite, prétextant leur différence d'âge, mais elle le rassure en lui expliquant qu'elle ne compte pas s'installer avec lui, ayant d'autres projets.


Steven Jouseski et Morris (Brad William Henke et Michael C. Hall)

Comme convenu, Morris et Steve délogent les squatteurs, parmi lesquels se trouvent Hattie... Qu s'avère être la propriétaire de l'immeuble où habitent Morris et son père, trompant son ennui de bourgeoise dans ce genre de jeu de rôles. Elle croise en rentrant chez elle George, venu voir Morris, et c'est le coup de foudre. 

Andrea, Morris et Steve

Morris attend Stephanie devant un salon de cigares quand en sort Steve et s'en approche Andrea, suivie de son mari. Contre toute attente, encore une fois, ce dernier remercie Morris pour, en ayant failli coucher avec son épouse, il lui a rappelé qu'il devait mieux la considérer. Steve est sidéré mais pas au bout de ses surprises car sa fille arrive ensuite, mécontente d'avoir vu Andrea intime avec Morris. Ce dernier est invité à dîner chez les Jouseski où, lui dit Steve, il pourra rencontrer le cavalier de Stephanie pour son bal de promo.


Stephanie

Le soir venu, Stephanie attend Morris devant chez lui et ils conviennent d'en rester là, constatant l'absurdité de la situation en vue du dîner et de la nature de leur relation, sans réel avenir. Il retrouve George dans un bar où ce dernier lui présente Hattie, qui l'a introduit auprès de son riche père pour lequel ils vont gérer son business dans le Montana (en relation avec les trafics d'un cartel sud-américain, ajoute-t-il). Steve surgit sur ces entrefaites et casse la figure à Morris dont il a appris la liaison avec sa fille par la bouche de celle-ci.  

Morris et son père, Seymour (Michael C. Hall et Peter Fonda)

Le lendemain, George et Hattie quittent la ville et Morris, orienté par son ami, apprend dans le journal la tentative d'un coup d'état d'un pays sud-américain, financée par le cartel de son beau-père ! Il rejoint ensuite son père à qui il remet son cadeau d'anniversaire, qui l'émeut particulièrement - un disque vinyle qu'il écoutait souvent avec sa défunte épouse, d'origine grecque. La Grèce inspire Morris et il décide d'y aller pour revoir sa tante. Un voyage pour marquer un vrai nouveau départ dans sa vie après les péripéties déterminantes de ces derniers jours...

Production indépendante, le film de Michael Knowles ne cherche pas à dissimuler le manque de moyens financiers avec lesquels il a été tournés, mais ne sombre jamais dans la facilité de son registre en voulant d'abord divertir, amuser. Et il le fait plutôt bien, malgré quelques faiblesses et maladresses.

Avec le cinéaste, Douglas Light a adapté son propre roman, East fifth Bliss, qui se concentre sur la relation incongrue entre Morris et Stephanie. Leur romance démarre au quart de tour, à l'initiative de la jeune femme, dont la vivacité et la franchise dynamitent la torpeur existentiel de ce gentil paumé qu'est Morris, trentenaire sans emploi qui est retourné vivre sous le même toit que son père, veuf, dans un modeste appartement (à moins qu'il ne l'ait jamais quitté). Il vit comme un adolescent apathique, demandant de "l'argent de poche" à son paternel "pour faire les courses" - en vérité pour boire quelques coups au bar et se nourrir de pizzas en traînant dehors.

L'action se situe donc souvent à l'extérieur, mais sans être filmé "à l'arrache" : Knowles saisit le temps dans ce cadre urbain avec subtilité, le quotidien d'un glandeur qui rebondit de rencontres en rencontres, ici avec son pote George (un mythomane attachant), là Steve connu au lycée... Et qui s'avère être le père de Stephanie ! Lorsqu'il rentre chez son père, Morris doit composer avec une voisine aguicheuse, mais qui se révélera complètement tordue sentimentalement (se servant de lui pour rendre son mari jaloux et attentionné), et Seymour, son père, qui lui conseille, gentiment d'abord puis plus fermement (mais sans plus de résultat) de se fixer un objectif, de devenir responsable, sinon fini "l'argent de poche".

Michael C. Hall compose ce personnage errant, éberlué, de manière touchante : il n'a aucune prise sur les événements, les laissant le porter, ou les subissant, alternativement, mais on compatit pour lui. Au centre du dispositif narratif, il ne suffit pas à toujours justifier la présence et le concours bien providentiel de certains seconds rôles, en particulier la romance de George et Hattie (fausse squatteuse, vraie fille à papa), uniquement pensée pour caser ces deux personnages (malgré tout aimablement campés par le très drôle Chris Messina, dans une incroyable dégaine, et la bombesque Sarah Shahi).

Lucy Liu ne force pas non plus son talent en héritant encore d'un rôle de croqueuse d'hommes, comme elle en a souvent jouée depuis ses débuts dans la série Ally McBeal. En revanche, Brad William Henke est excellent en père dupé et copain du héros, tout à sa joie de renouer avec la camaraderie du lycée.

Mais la distribution bénéficie surtout de la présence de Brie Larson, principale cause du trouble de Bliss : comme son rôle l'exige, elle est pétaradante et sexy, avec un naturel irrésistible. A chacune de ses scènes, elle pique la vedette à son partenaire avec une aisance insolente et un charme redoutable, dans un registre qui rappelle celui d'une Shirley MacLaine. Knowles a eu le nez creux en la choisissant, et depuis elle n'a fait que confirmer ses brillants débuts (sa vraie révélation aura lieu dans States of Grace, un an plus tard).

Le film ressemble au motif récurrent qu'il utilise et où on voit Morris, à la fin de chacune de ses journées bien animées, se mettre au lit, ahuri, se déshabillant davantage chaque fois. Cet épluchage correspond à sa transformation de vieil ado en homme prêt à prendre un nouveau et vrai départ dans la vie. Et le spectateur en a été finalement le témoin amusé.   

Aucun commentaire: