dimanche 15 avril 2018

X-MEN : RED #3, de Tom Taylor et Mahmud Asrar


X-Men : Red #3 confirme à la fois les qualités et les faiblesses de la série écrite par Tom Taylor et dessinée par Mahmud Asrar, et donc, à la fin de ce nouveau volet, on n'est pas plus avancé que lors du précédent. Agréable à lire sans rien proposer de neuf, il ne manque qu'une étincelle pour que le titre gagne sa couleur, mais c'est comme si ceux qui la produisent (peut-être sous la pression éditoriale ? Peut-être par excès de prudence ?) s'y refusaient. Un vrai casse-tête, qui éprouve la patience du lecteur.


Cassandra Nova s'introduit dans l'Institut Xavier une nuit, invisible aux résidents grâce à ses pouvoirs mentaux. Jusqu'à ce qu'un très jeune mutant la remarque et qu'elle le tue froidement. Puis elle entre dans la chambre d'un étudiant endormi et lui injecte une mystérieuse substance...


En Inde, pendant ce temps, la formation de Jean Grey a libéré Trinary mais doit affronter une Sentinelle activée par un agent du gouvernement. La jeune fugitive neutralise le robot géant  comme son pouvoir le lui permet. 


Elle a aussi détecté un programme anti-mutant informatique dans les cerveau de fanatiques venus les agresser et dans une application sur smartphones qui déclenchent des pulsions haineuses chez les humains. Mais Jean Grey n'a pas le temps d'enquêter pour l'instant et le groupe s'enfuit.


En Louisiane, justement, un attroupement veut tuer une jeune mutante mais Gambit s'interpose et disperse ces lyncheurs. A l'exception de l'un d'eux qui dégaine un pistolet et abat l'innocente avant que le cajun ait eu le temps de le désarmer.


Ayant quitté l'Inde en chevauchant la Sentinelle reconfigurée par Trinary, l'équipe de Jean Grey rentre au Wakanda lorsqu'une tempête se présente devant eux : elle est déclenchée par Storm qui croit que le robot géant est venu attaquer le pays et ses réfugiés mutants !

A la lumière d'un dialogue récent que j'ai eue sur un forum, je reprochai à une série comme X-Men : Red d'être paresseuse en se contentant de ranimer des clichés antédiluviens sur les thèmes attachés aux mutants : la persécution, la métaphore avec les minorités, la haine qui les poursuit, leur attitude souvent victimaire, etc. Tout cela est certes le fondement de la franchise "X" mais il date des années 60, et même si le racisme symboliquement traduit par la "mutanité" reste d'actualité et peut (avec beaucoup de candeur, comme si les comics avaient un quelconque poids sur les mentalités) éveiller les consciences, j'ai surtout envie de dire que, ça va, on a compris, il serait temps d'avancer.

Je vois une forme de paresse et de complaisance à continuer de présenter les mutants comme des phénomènes de foire, des freaks, qui, sortis de leur Institut, doivent agir clandestinement et s'excuser de vouloir sauver des gens, d'être estimés comme des héros. De même, cette paresse et cette complaisance s'exprime dans le choix des ennemis que leur opposent les auteurs : d'autres mutants, inspirés par des objectifs moins altruistes, moins humbles.

Il y a une part de consanguinité chez les mutants qui restent chez eux, entre eux, qu'ils s'entendent ou pas. Charles Xavier voulait les éduquer pour qu'ils s'intriguent à l'humanité, mais dans les faits, ses élèves ne sortent jamais de leur confortable école, ne se mêlent jamais vraiment aux humains. Ils vivent comme des noirs qui se contenteraient de leur ghetto, acceptant l'Apartheid dont ils sont victimes.

Bien sûr, certains échappent à ce cloisonnement - le Fauve, Wolverine, Quicksilver, Scarlet Witch... Mais c'est bien peu pour une telle somme d'individus qui semble en fait résignée à son rôle de paria.

La série de Tom Taylor souligne ça de manière tellement prononcée qu'elle aurait pu être écrite il y a quarante ans sans que cela ne nécessite de changement de conception. Et encore, il y a quarante ans, Claremont et Byrne montraient bien plus d'audace non seulement en développant des intrigues ambitieuses mais en se fichant presque de ces débats sur la "mutanité", envoyant les X-Men aux quatre coins du monde dans des péripéties exotiques et spectaculaires, sans que les membres de l'équipe n'aient l'air gênés d'être des "monstres" ou d'affronter des ennemis qui n'étaient pas seulement d'autres mutants.

Alors bien sûr, c'est un peu "raide" de comparer Claremont à Taylor, pas seulement parce qu'il s'agit pour l'un de celui qui a transformé ces créatures en institution et l'autre un scribe avec seulement trois épisodes au compteur. Je ne cherche pas à accabler Taylor, qui ne manque pas d'atouts (en premier lieu une affection sensible pour ces personnages, à défaut sans doute d'une vision sur le concept qu'ils incarnent), mais, enfin, ce brave garçon ne fait vraiment aucun effort pour bousculer l'ordre bien établi. Peut-être est-il trop timoré ? Ou que son editor regarde par-dessus son épaule quand il écrit (Jeff Lemire s'en est publiquement plaint quand il avait la charge des Extraordinary X-Men, où il n'avait pas son mot à dire sur ce qu'il fallait raconter) ? Mais le résultat est identique.

Trois épisodes et tous les membres de l'équipe ne sont même encore tous présentés, en action. Trois épisodes et déjà on ressort les Sentinelles, Cassandra Nova. Trois épisodes et ces X-Men "rouges" sont déjà hors-la-loi, réfugiés au Wakanda... Ce n'est guère engageant, c'est lent, laborieux même : personne ne peut penser que cela va aboutir à quelque chose de neuf. En comparaison, Rogue é Gambit de Kelly Thompson possède une fraîcheur décomplexée incroyablement plus prometteuse.

Ce qu'a X-Men : Red qui fait défaut à la mini-série de Thompson, c'est un excellent dessinateur avec Mahmud Asrar, dont la prestation est irréprochable. Mais que serait la série sans lui ? Ou plutôt ne mérite-t-il pas mieux que ça ? Le dynamisme de sa narration, l'expressivité de ses personnages, la souplesse de son découpage, donnent le meilleur à cet épisode (comme aux précédents). C'est comme voir une voiture de course tirer une caravane chargée de poncifs.

Pourtant, je ne condamne pas le titre et je suis résolu à aller au moins jusqu'au terme de ce premier arc (normalement en six épisodes, c'est la norme). Si d'ici-là, ça n'a toujours pas décollé, alors il faudra en tirer les conséquences, malgré la générosité de Asrar et la bonne volonté de Taylor.  

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