samedi 21 avril 2018

BATWOMAN #14, de Marguerite Bennett et Fernando Blanco


Avec son titre menaçant et épique, Fall of the House of Kane, le nouvel arc narratif développé par Marguerite Bennett depuis le mois dernier a des allures de baroud d'honneur, de climax après un an d'écriture qui ont confirmé le talent de la scénariste. Cette deuxième partie ne déçoit pas, au contraire, montant encore d'un degré, avec la contribution toujours épatante de Fernando Blanco au dessin : Batwoman vaut plus que jamais qu'on s'y engage.


Batwoman rejoint Gotham, depuis Bruxelles, par la voie des airs, en compagnie de Safiyha Sohail, mais elle a enfermé celle-ci dans une cellule de son jet car elle reste méfiante. Puis elle informe Julia Pennyworth de son arrivée et de la situation.


Tahani a enlevé Beth Kane, dont la schizophrénie a réveillé sa double personnalité maléfique, connue sous le nom d'Alice, et elles vont attaquer Gotham. Par quel moyen ? Batwoman ne va pas tarder à le savoir mais n'entend pas rester passive.


Elle a localisé l'avion de ses ennemies en train d'atterrir sur le toit d'un building et les y rejoint. Tahani l'attend pour l'affronter et le combat qui suit est âpre, sans concession, une lutte à mort entre celle qui estime que la justicière lui a tout pris et qui a convaincu Alice de lui rendre la pareile.


Si Batwoman réussit à prendre l'avantage sur Tahani, elle écoute ensuite Alice lui exposer avec quelle méticulosité diabolique elle a organisé sa revanche, depuis tous ces mois passés à affronter les membres de l'organisation "Many Arms of Death" jusqu'à sa rencontre dans le Sahara avec l'Epouvantail qui l'a exposée à une toxine spéciale.


Ce même poison a été administré à des chauve-souris qui sont lâchées sur Gotham pour infecter la population et la décimer. Punie pour avoir préférer servir Batman plutôt qu'aider sa famille, Batwoman ne se résigne pourtant pas car elle sait que le mal qu'elle porte est aussi l'antidote à la peste qui va ravager sa ville...

Avec le recul dont le lecteur dispose désormais sur la série, on peut clairement décrire la construction narrative de Marguerite Bennett : c'est un jeu de dominos où la chute de chaque pièce entraîne celle de la suivante et, in fine, dévoile un motif plus global, général, le plan machiavélique, ourdi de longue date, patiemment, cruellement, davantage par Tahani que par Alice. L'objectif n'est pas tant Batwoman que Gotham car en attaquant Gotham, c'est de toute façon Batwoman qu'on dépasse et terrasse.

Le mobile de tout cela est moins la vengeance, dans sa forme classique, que le dépit, ou la revanche, car Tahani considère explicitement que Kate Kane lui a pris ce que lui appartenait et elle riposte en faisant de même. Tahani était la maîtresse de Safiyha Sohail, résidente de l'île de Coryana, membre d'une organisation florissante de pirates : tout cela a été compromis, détruit et subtilisé par Kate devenue l'amante de Safiyha, sa remplaçante au sein du cartel, l'invitée sur l'île. En étant préférée par Safiyha à Tahani, Kate est devenue, sans le vouloir, sans en mesurer les conséquences, son ennemie.

Finalement, les amours saphiques des trois femmes au coeur de cette saga deviennent presque secondaires car Marguerite Bennett les traite sans avoir besoin d'insister : la haine, sans retour, a pris place et a présidé à un règlement de comptes qui trouve ici sa scène finale, son apothéose. Mais avec une dose de perversité et de cruauté supplémentaire puisque Alice est devenue l'ultime pièce du dispositif imaginé par Tahani : quoi de plus savoureux pour une méchante que d'utiliser la soeur de son adversaire pour justement la châtier ?

Fernando Blanco aura été l'autre grande révélation de la série, qui, après le départ de Steve Epting, aurait pu sombrer visuellement. Mais ce dessinateur a su relever le défi de passer après un confrère plus expérimenté, connu et impressionnant, et s'approprier l'héroïne et ses aventures en lui consacrant autant de soin.

La régularité de Blanco est d'autant plus saisissante que l'artiste épate par l'allure de ses planches. C'est un esthète complet, qui sait installer une ambiance forte, détaille ses décors sans étouffer ses compositions, insuffle du mouvement avec un découpage toujours intelligent et varié, maîtrise les designs, et profite de sa complicité avec le coloriste John Rauch.

Quand il cède à des effets plus convenus, comme l'usage de doubles-pages, il le fait avec à-propos pour servir une idée, un tournant dramatique, dynamiser une scène, et non pour se reposer un effet spectaculaire. C'est vraiment jubilatoire de lire un comic-book aussi bien fait : classique peut-être, mais avec classe.

Le cliffhanger est palpitant à souhait et on va compter les jours pour savoir si la "chute de la maison Kane" est effective ou pas. 

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