jeudi 8 mars 2018

CAPTAIN AMERICA #699, de Mark Waid et Chris Samnee


Le mois dernier, j'attendais cet épisode presque banalement... Et puis, entre temps, Chris Samnee a annoncé son départ de Marvel, effectif à partir du #700 le mois prochain. A ce jour, on ne connait toujours pas les raisons de son geste (sinon que son contrat n'a pas été renouvelé par Marvel). Mais, à coup sûr, il donne un relief particulier, à plus d'un titre, à ce numéro où, le monde est petit, il est question de libération et d'avenir à bâtir...


Captain America affronte Hulk qui est devenu, à cause d'un lavage de cerveau, un des gardes de King Babbington, le nouveau leader de l'Amérique, à la tête de l'organisation Rampart.


Le vengeur étoilé réussit difficilement à maîtriser le géant d'émeraude et peut converser avec Bruce Banner disposé à l'aider à renverser le pouvoir en place. Ils partent sans tarder avec Liang alors que des Radiotroops du régime approchent en ouvrant le feu sur eux.


Direction : le château du roi où Captain America et Liang s'introduisent par ses catacombes. Ils se fraient un chemin parmi les canalisations pour arriver jusqu'au générateur qui alimente le bâtiment et qu'ils comptent détruire pour semer la panique. Mais une surprise les y attend...
  

C'est, en effet, Ben Grimm qui, depuis treize ans, active le générateur, persuadé que les radiations nucléaires propagées par la bombe qui a permis l'accession au trône de Babbington a aussi obligé la population à vivre sous terre. Lorsqu'il apprend que cela est un mensonge, la Chose détruit la machine, ce qui attire les gardes de Rampart.
  

Mais cela ne suffira plus à empêcher Captain America de défier Babbington, malgré les pouvoirs psychiques dont la bombe l'a doté (en plus de l'avoir transformé en un monstre difforme). Une fois le tyran neutralisé, Steve Rogers déclare que la route sera encore longue pour rétablir une démocratie et que, pour cela, il faut un leader, désignant Liang. Mais elle et ses camarades préfèrent lui confier cette tâche...

Chris Samnee savait-il déjà qu'il allait quitter Marvel et son fidèle partenaire Mark Waid, par la même occasion, en co-écrivant avec lui cet épisode ? Le doute est bien sûr permis, mais le résultat est tout de même troublant.

Bien sûr, on notera encore une fois la brièveté et la rapidité de cet arc narratif, encore plus fulgurant que le précédent, alors qu'il y avait de quoi tirer sur la corde pendant des mois. A l'instar de Captain America, Waid et Samnee semblent ne pas vouloir laisser souffler ni les méchants de leur intrigue ni leurs lecteurs et foncer dans le tas, profiter de l'effet de surprise, résoudre la situation expéditivement.

C'est appréciable car, en vérité, en compressant si radicalement, la toile de fond de leur récit, l'immersion est immédiate. Comme The Terrifics de Lemire et Reis chez DC, il y a dans cette façon de procéder comme un retour aux sources, à la manière du "Silver Age", quand, dans les années 60, Stan Lee et Jack Kirby plantaient le décor, posaient les enjeux et solutionnaient tout en un ou deux épisodes-éclair, non pas en bombardant lecteur d'informations mais en lui imposant un dispositif qui l'empêchait de réfléchir à la crédibilité de l'ensemble. Un seul mot prévalait : l'aventure, avec un contexte dépaysant, des héros déterminés et inébranlables, une opposition a priori insurmontable, et malgré tout une issue triomphale.

Waid écrit cela avec l'art et la manière, comme revigoré, redécouvrant les mérites de la simplicité, invitant le lecteur à être son complice. Samnee l'imite en dessinant ça avec une énergie proprement incroyable, où il se paie malgré tout le luxe de glisser quelques oeillades malicieuses (le sourire de Cap quand il va péter une bombe au nez de Hulk) ou des compositions somptueuses (la planche où Liang et Cap évoluent dans les souterrains du château - voir plus haut) : on est ébloui par son encrage au feutre-pinceau, sa maîtrise géniale des à-plats noirs (qui créent un effet de fondu pour relier les différentes étapes de la progression des personnages).

Mais reste que le contenu de l'épisode peut aussi s'interpréter plus subtilement, comme une adresse discrète au lecteur. Je pense surtout à la chute de l'épisode où Captain America rappelle que rétablir la démocratie est laborieux et qu'il faut pour cela un leader digne de ce nom : or, c'est là tout ce que Waid et Samnee ont accompli pour réparer l'image du héros depuis Secret Empire (où un double l'avait remplacé pour diriger un putsch fasciste). Leur run, qui aura été finalement très bref (même en tenant compte des épisodes à venir que Waid écrira seul, avec Leonardo Romero au dessin, avant de passer la main à Ta-Nehisi Coates et Leinil Yu en Juillet prochain), se sera fait contre la saga grotesque de Nick Spencer, elle-même entamée avec le titre Captain America : Steve Rogers,  et pour redonner tout son lustre héroïque au personnage principal.

On ignore ce qui a vraiment poussé Samnee vers la sortie après dix ans passés chez Marvel, mais son départ interroge : partir ainsi au beau milieu d'un run, au début de l'année, ce n'est pas son style. Peut-être les chiffres de vente ne correspondaient pas aux attentes de l'artiste et de l'éditeur... Peut-être aussi que la rumeur insistante (et finalement confirmée) que la série lui serait retirée (au profit de Coates et Yu), sans compensation (une autre série aussi attractive), a agacé Samnee et l'a incité à jeter l'éponge... Avec un point de chute ailleurs et de meilleures conditions de travail, une relation professionnelle plus franche (probablement chez DC, ou un creator-owned chez Image).

Quoiqu'il en soit, c'est une impression de gâchis qui domine : Marvel laisse filer un grand talent, Samnee préfère lâcher l'affaire avant la fin. On profitera donc de ses dernières planches pour l'éditeur le mois prochain, mais en ayant souhaité une conclusion plus digne et en attendant de connaître où on le retrouvera (avec une pensée pour Waid, qui perd son collaborateur le plus motivant depuis Wieringo). 

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