mardi 14 novembre 2017

GUARDIANS OF THE GALAXY (VOLUME 3) #11-14 : CIVIL WAR II, de Brian Michael Bendis, Valerio Schiti et Kevin Maguire


Cet avant-dernier recueil d'épisodes des Guardians of the Galaxy est aussi le plus mince (seulement quatre épisodes) et il est directement lié à la saga Civil War II comme son titre l'indique. Cependant, les enjeux de la seconde guerre civile dans la communauté super-héroïque sont suffisamment bien exposés pour qu'on apprécie ces tie-in. En prime, on a droit ensuite à un one-shot, dont l'action se déroule dans le passé (avant ces événements et même ceux de Secret Wars), très marrant, avec Spider-Man en guest et Kevin Maguire au dessin.

Civil War II a été la saga globale de 2016 mais son point d'origine se situe au coeur de Infinity (écrit par Jonathan Hickman) : pour contrer Thanos qui voulait récupérer et tuer son fils Thane, demeurant dans une cité cachée avec des Inhumains, Black Bolt n'a pas hésité à détruire la cité flottante d'Attilan, après en avoir évacué ses sujets. Puis il a, avec son frère Maximus, fait exploser une bombe dont les brumes terrigènes ont réveillé les pouvoirs de centaines d'Inhumains intégrées aux humains. Parmi eux, la nouvelle Ms. Marvel, mais aussi Ulysses, dont le talent est d'avoir des visions du futur.
Mais ses prédictions sont anarchiques et sujettes à caution. Pour Captain Marvel, qui travaille pour l'armée américaine, c'est un outil miraculeux pour prévenir des crimes et catastrophes. Pour Iron Man, c'est un instrument peu fiable pouvant provoquer des erreurs d'interprétation dramatiques : il veut enlever Ulysses pour l'examiner et étudier ses capacités.
Pour l'en empêcher, Captain Marvel réunit ses alliés (des membres de l'Alpha Flight, des Ultimates, des X-Men, du SHIELD) et sollicite l'aide des Gardiens de la galaxie... 

(Hommage à une planche de Nick Fury, agent of SHIELD, de Jim Sternako...)

La situation créé un dilemme au sein de l'équipe des Gardiens car Iron Man puis Captain Marvel ont tous deux, à des époques différentes (dans le Volume précédent de la série) fait partie de leurs membres. Un vote à main levée doit trancher sur le parti qu'il compte prendre : Venom, Kitty Pryde, Gamora, Angela et Peter Quill veulent aider Carol Danvers, Drax hésite, Rocket refuse d'aller se mêler de cette affaire, Ben Grimm s'abstient (la Chose avait déjà fini par s'éloigner lors de la première Civil War, en 2006-2007 dans les épisodes liés de Fantastic Four). Une fois  en présence de Captain Marvel, Peter Quill apprend qu'elle détient Thanos sur Terre et il choisit de le cacher à Gamora (et au reste de l'équipe)- contre l'avis de Kitty... 


Bien que les Gardiens soient plus que réservés sur l'usage d'une justice préventive en utilisant Ulysses, les héros se tiennent prêts pour la grande bataille qui va opposer les partisans de Captain Marvel à ceux d'Iron Man. Mais dans le feu de l'action, leur vaisseau est détruit et dans la confusion qui suit, Gamora surprend un échange entre deux gardes du Triskelion au sujet de la détention de Thanos dans ce bâtiment...

Gamora cherche aussitôt à localiser la cellule où est son père mais la sécurité puis Captain Marvel lui barrent la route. Les deux amies se battent violemment et Gamora apprend dans la foulée que Quill était au courant pour Thanos. Elle rompt avec les Gardiens, vite imitée par Drax, Rocket et Groot. Cette crise n'a pas échappé à Annihilus et la reine de Broods dans la zone négative, qui préparent l'évasion de Thanos...

Il est toujours problématique de juger la qualité d'épisodes en relation avec une saga globale : c'est le lot de ceux-ci, impactés par Civil War II. Bien que cet event ait compté six épisodes, seuls trois chapitres de Guardians of the Galaxy sont concernés directement. C'est donc un moindre mal et comme Brian Michael Bendis est aux commandes de CW II et GotG, tout est cohérent.

L'intérêt se situe dans la mesure où les deux adversaires de la guerre civile ont fait partie de l'équipe des Gardiens dans le précédent Volume de la série. Mais ça se limite à cela et nos héros auraient très pu ne pas être mêlés à ce conflit entre super-héros puisque les deux forces en présence ne sont pas restées longtemps dans leurs rangs.

Il y a fort à parier que, même si le scénariste pilotait les opérations, la décision d'intégrer les Gardiens à la saga a été prise par le staff éditorial : devenus des personnages populaires, dont le deuxième film allait sortir sur les écrans quelques mois après, il était inconcevable de ne pas les utiliser dans ce crossover annuel. Ce qui me fait penser que Bendis a employé les Gardiens bon gré mal gré est qu'il développe très peu le cas de conscience que cela pose à ses héros. Rapidement on voit la majorité de l'équipe prendre fait et cause pour Captain Marvel sans disposer d'informations déterminantes pour cela - et quand ils apprendront que Carol Danvers a volontairement caché des éléments importants, cela déclenchera une crise sérieuse (je veux parler du fait que Thanos est prisonnier sur Terre et que cela est dissimulé à Gamora, Drax, Rocket, puis que Kitty Pryde estime que Peter Quill a tort de ne pas le révéler aux intéressés).

Les motivations avancées par les uns et les autres pour se mêler à cette guerre civile ou non sont finalement plus nettes dans le camp de ceux qui y sont d'abord opposés : Rocket, notamment, déteste la Terre, ses habitants (il ne tolère Kitty qu'en raison de sa relation avec Quill, Venom et la Chose pour leur apport aux batailles) et sait que son aspect suscitera des moqueries. Drax est également perplexe, sans doute (même si ce n'est pas clairement exprimé) parce qu'il se rend compte qu'Iron Man et Captain Marvel, quels que soient le différend qui motive leur conflit, ont fait partie de l'équipe. Le point de vue de Ben Grimm est le plus référentiel et le plus lucide : il a déjà vécu la première Civil War et avait choisi, à la suite d'une bagarre dramatique, de s'en désengager, pressentant la catastrophe humaine à laquelle elle allait mener. Mais la sagesse de la Chose ne suffit pas à modérer ses nouveaux partenaires, il sait que le goût de la castagne va l'emporter et renonce par lassitude à argumenter.

Bendis a essuyé des reproches injustes quant à sa saga, mais je crois surtout que la maladresse fut éditoriale là encore : nommer une histoire "Civil War" n'était pas une bonne idée car la comparaison avec la précédente (qui fut un carton commercial énorme) devenait alors inévitable et préjudiciable à ce qui n'en était pas une suite. Certes, à nouveau, deux camps de super-héros s'affrontent, mais plus du tout pour la même raison (autrefois, il s'agissait d'une dispute sur l'enregistrement des super-héros par les autorités gouvernementales ; présentement ce sont les prédictions dangereuses d'un jeune Inhumain qui sont au centre du débat). Civil War II explore des questions passionnantes - la justice préventive, la répression policière, les prévisions aléatoires, l'influence de l'environnement social sur le devin Ulysses, etc - mais ce récit est arrivé après plusieurs autres où déjà des héros se battaient entre eux, lesté d'un titre en rapport avec une saga antérieure et marquante, et écrite par un scénariste dont beaucoup estiment qu'il en a écrit trop.

Malgré tout, on ne peut pas dire que ces trois épisodes soient désagréables à suivre : le rythme est vif, Bendis use d'ellipses astucieuses pour éviter de reproduire des scènes incluses dans le corps de la saga centrale, le crescendo qui aboutit à la séparation du groupe des Gardiens est efficace.

Valerio Schiti prouve qu'il peut animer une large distribution et jouer avec les à-côtés de la saga de manière intelligente et percutante. Il y a aussi un homme dont j'ai négligé de parler depuis le début de ce run et dont la contribution aux dessins de Schiti est salutaire, c'est le coloriste français Richard Isanove dont la palette permet de valoriser chaque scène, de soigner chaque ambiance. Le rendu est à la fois sobre et riche, très nuancé, et complète le trait souple, expressif et énergique de l'italien.

Même si, donc, on peut être tenté de zapper ces épisodes, a fortiori si on n'a pas lu Civil War II (ou si on l'a lu mais pas apprécié), c'est un passage difficilement contournable dans la mesure où la situation des Gardiens est totalement bouleversée et aboutit à un nouveau problème, accrocheur : que vont devenir des pirates de l'espace coincés sur une planète qu'ils détestent, ont fuie, ne connaissent pas ou ne reconnaissent plus ?

*

Rocket et Groot se sont installés au coeur de Central Park maintenant qu'ils sont coincés sur Terre. Pour le raton-laveur, c'est un cauchemar qui lui rappelle le mépris qu'il éprouve pour les humains depuis une ancienne rencontre avec Spider-Man. Le Tisseur fut enlevé par des Skrulls afin que Venom leur donne son symbiote. Les Gardiens réglèrent l'affaire mais Rocket qui voulait savoir qui se cachait sous le masque de l'homme-araignée en fut empêché par Flash Thompson.

Depuis son départ fracassant de DC Comics en 2015 (il devait dessiner la série Justice League 3000 avec ses scénaristes favoris, J.M. DeMatteis et Keith Giffen, soit toute la bande de la cultissime Justice League International des années 80, avant que le staff éditorial préfère que le titre soit plus sombre et ne désavoue le choix de l'artiste), Kevin Maguire s'est fait très (trop) discret, signant des couvertures mais très peu de planches intérieures. Refusant, en outre, de parapher un contrat d'exclusivité avec une major, il semblait dédaigné par les éditeurs.

Ainsi, alors qu'il aurait pu certainement se poser chez Marvel, il n'y a fait que quelques apparitions, le plus souvent grâce à Bendis, un de ses grands fans (maintenant que le scénariste va écrire pour DC, peut-être auront-ils le loisir d'enrichir leur collaboration sur un vrai mensuel régulier). C'est ainsi que dans le précédent Volume de Guardians of the Galaxy, l'artiste prouva que son talent était intact le temps de deux épisodes magnifiques (juste après les tie-in à Infinity), et ce n° 14.

C'est, soyons honnête, le principal intérêt de l'épisode car le scénario est léger. Bendis semble l'avoir écrit à la sauvette, à la fois pour permettre à Schiti de souffler avant la dernière ligne droite et pour offrir à Maguire l'opportunité de s'amuser (et de nous en mettre plein la vue). Le génie de ce dessinateur, c'est la plasticité des expressions qu'il donne à ses personnages, il n'a pas d'égal dans ce domaine, et ce stand-alone est un cadeau pour lui et ses fans : c'est tout à fait fascinant de le voir croquer des mimiques hilarantes de ce trait fin, élégant, incroyablement précis, d'observer avec quelle minutie il dose les gestes de chacun, joue avec la composition de plans pleins à craquer et parfaitement lisibles. Comme il assure lui-même son encrage désormais, il a un contrôle total du résultat.

Bendis ne force vraiment pas son talent, mais met superbement en valeur celui de son artiste invité.  Ah, oui, vraiment, ce serait sensationnel qu'ils collaborent à nouveau, sur un rythme plus soutenu, dans le futur ! 

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