dimanche 17 septembre 2017

BABY DRIVER, d'Edgar Wright


Baby Driver est le "dream movie" de son réalisateur-scénariste, Edgar Wright, un projet qu'il avait en tête depuis une vingtaine d'années, mais qu'il a longtemps reporté avant d'en tirer un script convenable et de convaincre ses producteurs.

Griff, Darling, Baby et Buddy (Jon Bernthal, Eiza Gonzalez, Ansel Elgort et Jon Hamm)

Baby a été piégé il y a quelques années en volant la voiture d'un caïd d'Atlanta, Doc, qui, pour lui faire payer son geste, en a fait le chauffeur des casses qu'il organise. Prodige du volant, le jeune homme a un secret pour semer les flics : il cale sa conduite automobile sur des morceaux de musique qu'il écoute en roulant - ce qui lui permet aussi de couvrir les acouphènes dont il souffre depuis l'enfance.

Debora et Baby (Lily James et Ansel Elgort)

Baby sera  délivré de son engagement auprès de Doc au prochain braquage. Que compte-t-il faire ensuite ? S'occuper de son père adoptif, sourd-muet et paraplégique, avec lequel il habite dans un petit appartement, à qui il compte offrir de meilleures conditions de vie. Et vivre sa romance naissante avec Debora, une ravissante serveuse, qui rêve de quitter Atlanta et cajoler Baby, qui lui a confié avoir perdu ses parents dans un accident de la route.

Baby et Doc (Ansel Elgort et Kevin Spacey)

Après un nouveau coup, qui a réussi de justesse à cause de Bats, un voleur assassin, Baby se croit enfin libre. Mais Doc le rappelle vite, le considérant comme son porte-bonheur, pour un braquage audacieux qui les rendra tous riches. Pour cette occasion, Baby refait équipe avec Buddy et sa fiancée, Darling, et, hélas ! l'incontrôlable Bats.  

Buddy, Darling, Baby et Bats (Jamie Foxx)

Les vies de Joe, son père adoptif, et de Debora menacées par le gang, Baby accepte de rempiler une dernière fois tout en étant déterminé à filer une fois sa part du butin en poche et en s'employant à ce que le sang d'aucun innocent ne soit versé.

Baby

Mais la situation dégénère et Baby essaie de décamper en catastrophe, mettant Joe à l'abri, et venant chercher Debora, tout en réclamant la protection de Doc. C'est sans compter sur un membre du gang résolu à contrarier ses projets et la police prête à tout pour l'épingler...

Baby Driver

Baby réussira-t-il quand même, une fois encore, à s'en sortir ?

Cette histoire de braqueurs, dont le vrai héros est un gateway driver (le chauffeur d'un gang de voleurs qui attend au volant d'une voiture que ses complices le rejoignent, leur méfait commis, pour prendre la fuite en semant la police lancée à leurs trousses), s'est doublée d'une forme de retour quasi-nécessaire, de rebond presque thérapeutique pour le cinéaste qui, en 2014, après huit ans à développer Ant-Man pour Marvel Studios a abandonné l'affaire suite à des désaccords créatifs. Or, le long métrage sur l'Homme-Fourmi était déjà conçu comme un film de braqueurs (le résultat final, signé Peyton Reed, en a conservé le concept). L'éternel "film d'après" de Wright est devenu sa revanche, avec un succès critique et (surtout) public en prime.

La presse a été divisé au sujet de ce Baby Driver, dont le titre renvoie évidemment à la chanson de Simon & Garfunkel (qu'on entend à la fin du film), et les journalistes n'ont pas fait dans la demi-mesure, entre délire extatique et accablement sévère. Sommet du film cool pour les uns, divertissement sans fond pour les autres, le cinquième opus d'Edgar Wright ne mérite ni la foudre ni une hola : c'est simplement un faux blockbuster, une série B estival, fun, décomplexé et très distrayante, s'articulant autour d'un dispositif original et habilement exploité.

On a rapproché ce film au La La Land, authentiquement magistral lui, de Damien Chazelle, sorti au Printemps dernier, parce qu'à sa manière Baby Driver est aussi une espèce de musical où les numéros chantés-dansés sont remplacés par des courses-poursuites et des fusillades avec la musique comme colonne vertébrale narrative. Ce cousinage est plus juste que la référence aux films de Tarantino chez qui l'utilisation de la musique ressemble plus à une playlist qui se superpose à l'action, de manière ironique (voire cynique), et parce que Wright visualise la violence de façon beaucoup plus cartoony que QT (c'était déjà le cas, encore plus nettement, dans son adaptation géniale de Scott Pilgrim, son chef d'oeuvre).

Pourtant, ce drôle de polar romantique dévoile des subtilités plus intéressantes que son concept. Ainsi, dans le premier acte, Baby est représenté moitié comme un autiste virtuose, moitié comme un frimeur agaçant (toute cette ambiguïté est résumée dans le magnifique plan-séquence où il quitte le repaire de Doc, va chercher quatre cafés pour le gang, remarque Debora, la suit, la perd de vue, revient au QG). Puis, lors du (normalement) dernier coup auquel il participe pour son patron, de petits bugs commencent à se manifester (Baby tombe amoureux de Debora, s'attachant à une jeune fille qu'il transforme en fait, sans se méfier, en cible vivante et moyen de pression sur lui ; et sa route croise celle de Bats, un psychopathe qui justifie de ne laisser aucun témoin derrière lui par la conviction qu'il vole ceux qui dépouillent d'abord des gens comme lui). Enfin, le dernier casse tourne à la catastrophe totale avec la mort de plusieurs membres du gang, la vengeance déchaînée d'un des survivants, la fuite désespérée). Il devient facile d'interpréter le récit de cette chute inexorable comme la métaphore de ce qu'a vécu Wright avec les studios Marvel : un indépendant super-doué rattrapé par le système, ses contraintes, le destin peut-être, et qui doit vraiment se rendre pour se sauver.

Formellement, la mise en scène est épatante, moins ébouriffante que celle de Scott Pilgrim (où le cinéaste faisait feu de tout bois), mais avec des morceaux de bravoure jubilatoires (les courses-poursuites sont effectivement superbes, même si celle qui ouvre le film est inégalée ensuite). On peut en revanche déplorer une fin assez ratée, trop morale et sucrée à la fois : quand on raconte une histoire de voyous, dont le héros, malgré ses activités illégales, est sympathique, soit on lui offre une issue positive (au mépris du châtiment), soit on lui donne une dimension romantique, plus fatale mais aussi plus légendaire. En tout cas, on ne cherche pas à ménager la chèvre et le chou.

Le casting mélange des seconds rôles mémorables, très bien dirigés (Jon Hamm et la bomba Eiza Gonzalez, Jamie Foxx très bon, Kevin Spacey royal), et jeunes pousses prometteuses (Ansel Elgort, impeccable en driver taiseux et sentimental, Lily James aussi acidulée qu'un bonbon). Il s'agit moins pour ces acteurs de composer des personnages que d'incarner des archétypes, comme leurs "noms" l'indiquent (Baby, Bats, Buddy, Darling, Doc ne sont que des pseudos iconiques, et même Debora est un clin d'oeil à un morceau de Marc Bolan).

C'est lorsqu'il est à fond dans le symbole, le respect des codes, quand il colle le plus à son concept, que Baby Driver est le plus jouissif et le plus expérimental aussi, comme une version gracieuse de Fast and Furious ou bubble-gum de Drive

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