vendredi 29 juillet 2016

Critique 963 : GRAYSON #12 & ANNUAL #2, de Tim Seeley, Tom King, Mikel Janin et Alvaro Martinez


GRAYSON : A FINE PERFORMANCE est le neuvième épisode de la série, écrit par Tim Seeley et Tom King et dessiné par Mikel Janin, publié en Novembre 2015 par DC Comics.
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Dick Grayson rentre à Gotham, après avoir pris congé de l'organisation Spyral, afin de comprendre pourquoi Batman ne répond plus à ses messages. Il apprend par le majordome Alfred Pennyworth que Bruce Wayne a perdu la mémoire suite à son dernier combat contre le Joker et le serviteur attentionné ne veut pas qu'il recouvre ses souvenirs, estimant qu'il a suffisamment souffert.
Mais, menacé par l'Agent Zéro de Spyral, Grayson décide de répliquer subtilement : il renoue successivement avec Red Robin, Red Hood, Batgirl et Damian Wayne, qui le croyaient tous mort, pour pirater le réseau informatique de l'organisation et décrypter le code du procédé Hypnos, qui permet à ses membres de ne pas être identifiés.
Ainsi, Dick va-t-il découvrir qui est l'Agent Zéro et, réintégrant Spyral, commencer à enquêter sur qui veut doubler "la Matrone" Helena Bertinelli...

Cet épisode, qui fonctionne comme un chapitre transitoire entre la précédente histoire (#9-11) et la suivante (à partir du #13), est un pur exercice de mise en scène et en abyme, peut-être l'exemple le plus brillant de la manière dont les scénaristes Tim Seeley et Tom King développent la série.

La première scène donne le ton, comme le montre la première page (ci-dessus) où on voit Dick Grayson se faire grimer par Alfred Pennyworth avant d'avoir un entretien avec Bruce Wayne : il s'agit de ne pas être reconnu, ce qui est déjà la base du super-héros (qui met un masque pour protéger son identité civile) mais aussi de l'espion (et Dick est les deux maintenant), mais aussi de protéger des personnes susceptibles d'être en danger à cause de ses activités (en l'occurrence Bruce Wayne, devenu plus vulnérable depuis qu'il est amnésique).

Se déguiser, se travestir, c'est aussi se dissimuler : Dick Grayson vient de quitter l'organisation Spyral et ne veut évidemment pas qu'on sache où il est. Pourtant, son objectif est précisément de découvrir un moyen de neutraliser le procédé Hypnos utilisé par Spyral pour que ses agents ne soient pas identifiables, mais qui ignore qu'un des siens a détourné cet usage pour les trahir. 

Comble de l'ironie, il a besoin pour réussir cette mission d'avouer à ses plus proches amis qu'il n'est pas mort comme ils le pensaient, que sa mort a été maquillée elle aussi. L'épisode est donc ponctué par ces retrouvailles que les deux scénaristes savent à chaque fois écrire différemment en tenant compte des caractères de chacun : Red Hood accepte mal que Dick (et Batman) se soit joué de lui, Red Robin se montre plus froid, Batgirl (qui fut longtemps la petite amie de Grayson) veut d'abord le fuir, et Damian Wayne (qui fut son partenaire quand Bruce Wayne était considéré mort - tué par Darkseid lors de la saga Final Crisis, après quoi Dick endossa le costume de Batman) est étonné puis heureux.

Le piratage de Spyral et le décryptage d'Hypnos sont vite expédiés, les auteurs n'ont pas voulu essayer de noyer le lecteur sous de pseudos informations techniques, mais la scène, qui tient en une double page, est habilement exploitée.

Et Mikel Janin a d'ailleurs su répondre présent (même si, cette fois, il est épaulé par deux encreurs, Hugo Petrus et Juan Castro, mais ils ont si bien su suivre son dessin que c'est imperceptible) en découpant l'épisode de façon formidable. Avec pas moins de six pleines pages, il ne cède pourtant pas à la facilité, devant gérer des textes abondants (des bulles évoquant des dialogues passées entre chaque personnage et leurs relations). 

Janin met aussi les acrobaties en images avec de belles astuces de cadrages, comme des effets de continuité visuelle (le plongeon de Batgirl et Grayson depuis le sommet d'un pont), soutenus pas la colorisation magnifique de Jeremy Cox.

A la fin de ces vingt pages, le héros et la série rebondissent et le lecteur est plus accroché que jamais. Un épisode magistral narrativement. 
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GRAYSON : TRUST A GUY est le deuxième Annual de la série, écrit par Tim Seeley et Tom King et dessiné par Alvaro Martinez, publié en Novembre 2015 par DC Comics.
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Grayson s'apprête à repartir de Gotham après avoir collaboré avec Red Hood, Red Robin, Batgirl et Robin, quand il croise Superman qui ne le reconnaît pas tout de suite. C'est que "l'homme d'acier" n'est plus tout à fait le même : il a perdu certains de ses pouvoirs, ceux qui lui restent sont diminués, et son identité secrète a été révélée par Loïs Lane.
Amis depuis toujours, ils n'ont pourtant pas le plaisir de savourer leurs retrouvailles car le gang du Poing de Caïn les agresse : il s'agit de voyous dopés qui tuent pour la gloire en s'en prenant à des cibles exceptionnelles.
L'affrontement se corse quand Blockbuster, un méta-humain, qui a rejoint cette bande et qui a été autrefois arrêté par Superman et Grayson (quand il était encore Robin aux côtés de Batman) s'en mêle...

Les Annuals sont parfois (souvent) agaçants car (du moins en v.f.) ils paraissent au beau milieu d'un arc narratif et en brisent le rythme. Sans compter qu'ils sont régulièrement réalisés par une autre équipe créative, d'un niveau inférieur.

Mais Grayson est un série vraiment bien éditée car les auteurs habituels sont encore aux commandes et le dessinateur remplaçant Mikel Janin pour cet épisode spécial de 40 pages est l'excellent (mais encore méconnu) Alvaro Martinez (retenez bien ce nom : je veux bien manger mon chapeau - même si je n'en mets pas - s'il ne devient pas une vedette).

Seeley et King ont concocté un récit trépidant et spectaculaire où leur héros fait équipe avec Superman. Encore une fois, il faut saluer le brio avec lequel les scénaristes réussissent à résumer la situation d'un personnage extérieur à la série : ceux qui, comme moi, n'ont pas suivi les (més)aventures récentes de Clark Kent sont rapidement affranchis sans que cela ne ralentisse l'histoire. Mieux même : si on peut estimer l'évolution récente de Superman peu inspirée (il y a un consensus rare pour dire que DC Comics ne sait plus quoi en faire depuis un moment... Peut-être cela va-t-il s'améliorer avec la relance de sa série par Peter Tomasi, Doug Mahnke et Patrick Gleason), son état alimente ici intelligemment des péripéties.

Peut-être aussi parce que je ne suis pas un fan assidu des productions DC, j'ai été sensible à la façon dont Seeley et King parvenaient à rendre attachant le duo Superman-Grayson, en soulignant à quel point ce dernier apprécie plus le premier que Batman qui s'en est toujours méfié (à cause de sa puissance et de ses origines). Cette dynamique s'inscrit parfaitement dans les dialogues mais aussi dans l'action, fournie, de cet épisode, les deux héros sont très complémentaires, psychologiquement et physiquement. Et, comme toujours, les auteurs glissent malicieusement sur la notion d'identité (Grayson obligé de continuer à faire le mort pour sa mission d'infiltration au sein de Spyral, Superman n'ayant plus d'identité secrète depuis que Loïs Lane l'a révélée).

Graphiquement, Martinez produit des planches aussi bonnes, parfois même supérieures (mais il a dû aussi bénéficier de plus de temps pour livrer ces 40 pages que Janin chaque mois pour en dessiner et encrer 20). Les décors possèdent des finitions très soignées, les angles de vue sont variées, les personnages expressifs et bien taillés (Superman est plus musclé, massif, que Grayson, la bande du Poing de Caïn abondent en gueules et looks extravagants, et Blockbuster dégage une vraie puissance). C'est très fort, et je me suis souvent dit en lisant qu'un artiste de cette trempe aurait été parfait pour la collection Ultimate de Marvel.

Je me méfie donc souvent des Annuals, mais des comme ça, pas de souci, j'en redemande !
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Ces épisodes sont disponibles en v.o. dans l'album Grayson, volume 3 : Nemesis.
En v.f. dans la revue "Batman Univers" #4-5, et l'album Grayson, tome 2 : Nemesis.

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