vendredi 29 avril 2016

Critique 876 : BRUNO BRAZIL, TOMES 3 & 4 - LES YEUX SANS VISAGE & LA CITE PETRIFIEE, de Greg et William Vance


BRUNO BRAZIL : LES YEUX SANS VISAGE est le troisième tome de la série, écrit par Greg (sous le pseudonyme de Louis Albert dans la première édition) et dessiné par William Vance, publié en 1970 par les Editions du Lombard.
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Encore convalescent (après les blessures subies lors de sa précédente mission - voir tome 2 : Commando Caïman), "Texas" Bronco braque une banque et abat plusieurs personnes.
Placé en détention et sujet à des crises de nerfs, il reçoit la visite de son chef, le commandant Bruno Brazil, tandis que ses autres partenaires s'interrogent sur son geste et ce qui a pu le provoquer.
Cependant, "Whip" Rafale est enlevée et soumise à un lavage de cerveau. Libérée, elle manque de tuer William "Billy" Brazil mais "Big Boy" Lafayette et Bruno réussissent à l'appréhender.
Les hommes de main de l'ennemi du commando enlèvent "Gaucho" Moralés, resté seul à leur QG. Jouant la comédie, il permet à Bruno Brazil, "Whip", "Big Boy" et Billy de le suivre jusqu'au repaire de leur adversaire. Ainsi découvrent-ils qu'il s'agit de Rebelle, l'ex-partenaire de Madison Ottoman (voir tome 2), et son complice, un savant fou...
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BRUNO BRAZIL : LA CITE PETRIFIEE est le quatrième tome de la série, écrit par Greg (sous le pseudonyme de Louis Albert) et dessiné par William Vance, publié en 1971 par les Editions du Lombard.
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Le commando caïman au complet est affecté à une inspection du silo "Pyramide", un complexe militaire de 60 kilomètres de profondeur. Mais durant la manoeuvre, une attaque ultra-sonique manque de terrasser tous les membres de l'équipe.
Remontant à la surface, Bruno Brazil et ses partenaires découvrent un spectacle stupéfiant : militaires et civils dans un large périmètre autour du silo sont k.o..
Les membres du commando gagnent la ville la plus proche, déduisant que les malfaiteurs à l'origine de cette situation vont braquer la banque fédérale. Tandis que Billy, "Big Boy" et "Texas" traversent la ville fantôme d'un côté, Bruno, "Whip" et "Gaucho" infiltrent la troupe des bandits de l'autre.
Ils découvrent ainsi qu'à la tête des voleurs se trouve leur pire ennemie, Rebelle...

Devenu un des titres les plus populaires du journal de "Tintin", Bruno Brazil poursuit donc ses aventures avec ces deux nouveaux épisodes qu'il faut aborder en ayant lu Commando Caïman, le deuxième tome, paru en 1969 : la série feuilletonne en effet en réutilisant à deux reprises, consécutivement, la même méchante.

C'est d'ailleurs une des originalités que d'avoir fait de Rebelle, d'abord simple-valoir de Madison Ottoman, le vilain mégalomane du Matto Grosso, l'ennemi de Bruno Brazil et sa bande : à une époque où les personnages féminins n'étaient guère nombreux dans les parutions destinées à la jeunesse, à cause de la censure, l'adversité incarnée par cette femme fatale détone.

L'intrigue des Yeux sans visage exploite un vieux cliché du récit d'espionnage, le lavage de cerveau, qui transforme les acolytes du héros en pantins dangereux. Toutefois, il est difficile de relire l'histoire de Greg sans sourire : avec son savant fou qui manipule les méninges des agents du commando, l'intrigue peine à tenir la distance et souffre de sévères chutes de rythme. Par ailleurs le suspense autour de l'identité de la méchante fait long feu puisqu'on reconnaît sa silhouette et sa chevelure dorée très vite, sans compter qu'on devinait que Rebelle reviendrait vite après avoir réussi à s'échapper à la fin du tome 2 en jurant de se venger.

Plus invraisemblable encore : Rebelle s'en tire miraculeusement à la fin de cette aventure, plus revancharde que jamais car elle est défigurée (mais sans que cela soit montré : là encore, il ne s'agissait pas de choquer les enfants)... Mais dans le dénouement de La cité pétrifiée, elle se présente avec un visage absolument intact ! Soit elle a trouvé un chirurgien esthétique diablement doué, soit elle n'était pas si mutilée que ça auparavant, mais quelle que soit la réponse à ce rétablissement, Greg ne s'est guère embarrassé de vraisemblance.

Toutefois, ne soyons pas trop sévère et sarcastique car ce tome 4 est très bon : l'originalité de l'attaque menée par les malfrats, leur audacieux braquage, la résistance qu'oppose le commando caïman (quand bien même le scénario sacrifie, comme d'habitude, un membre en route - ici, Billy Brazil) sont captivantes. On pense d'ailleurs à une version à peine déguisé des Pirates du silence (le tome 10 de Spirou et Fantasio par Rosy et Franquin, avec Will, publié en 1958).

Visuellement, les deux albums sont toujours aussi inégaux et moyens : Vance est très brouillon dans le troisième épisode, et la colorisation de Petra ne vaut pas mieux, alors que dans le chapitre suivant, la série apparaît nettement plus soignée, avec des idées de découpage ingénieuse (simulant par exemple des déclinaisons de mouvements dans un seul plan).

La cité pétrifiée offre même des références esthétiques au pop-art, culminant dans la plus belle scène de l'histoire (quand "Whip" Rafale neutralise avec son fouet Rebelle dominant Bruno Brazil sur le toit de la banque fédérale). Néanmoins, Vance a quand même un trait très peu mobile, ses personnages se ressemblent tous et sont peu expressifs, et ses compositions sont souvent maladroites : autant de faiblesses qui plombent le résultat.

Le titre balbutie donc encore, même s'il s'améliore, au moins au niveau narratif, avec des intrigues plus solides. 

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