vendredi 4 mars 2016

Critique 830 : X-FILES (AUX FRONTIERES DU REEL), de Chris Carter

 
L'affiche promotionnelle de la saison 10
de X-Files.

"La vérité est ailleurs" et donc il ne s'agira pas vraiment d'une critique, mais je voulais écrire sur la série télé X-FILES dont la saison 10 est actuellement diffusée sur M6. Un retour attendu par le fan de cette production que je suis, 14 ans après son dernier épisode, 23 ans après son lancement.

Cette nouvelle saison ne compte que six épisodes (dont quatre sont déjà passés ici, au moment où je rédige ces lignes), mais son succès Outre-Atlantique et en France laisse penser que les agents Mulder et Scully mèneront sans doute de nouvelles enquêtes Aux frontières du réel à l'avenir, sur le petit ou le grand écran. 
Les six épisodes de la saison 10 est diffusée du 25 Février 
au 9 Mars 2016 en France sur M6.

Pour l'instant, il s'agit donc d'un retour gagnant, aussi bien donc en ce qui concerne les audiences qu'au niveau des histoires proposées et de la direction artistique. On retrouve les éléments les plus attrayants de la série, avec un habile dosage de nostalgie (par exemple, le générique est le même qu'au tout début), d'auto-dérision (les personnages admettent qu'ils ont vieilli, que les affaires non classées ne sont plus si sérieuses) et de modernité (la technologie actuelle est inscrite dans les nouveaux épisodes et exploitée avec sobriété).
Dana Scully et Fox Mulder en 2016
(Gillian Anderson et David Duchovny)

Le premier des six nouveaux épisodes réunit Mulder et Scully en jouant même avec les rôles les plus forts qu'ont interprétés ses deux acteurs entretemps : Gillian Anderson y ressemble à l'enquêtrice Stella Gibson, qu'elle incarne dans The Fall, et David Duchovny à Hank Moody, qu'il a interprété dans Californication... Après quoi, ils revêtent leurs costumes si typiques du FBI.
Chris Carter, le créateur de la série.

Ce qui m'a aussi donné envie de parler de X-Files, c'est que j'ai remis la main, en faisant un peu de rangement dans mes affaires, sur une espèce de fiche que j'avais écrite vers 2000-2001. J'avais dactylographié plusieurs papiers ainsi sur des séries télé que j'appréciai et, quitte à être immodeste, j'ai trouvé que ce que j'y disais n'était pas si mal tourné. Aussi ai-je décidé de le retranscrire sur ce blog.

Je vous livre ce texte tel quel.
Dana Scully et Fox Mulder en 1993.

X-FILES - Aux frontières du réel.

Créé par Chris Carter.


Avec : David Duchovny (Fox Mulder), Gillian Anderson (Dana Scully), Mitch Pileggi (Walter Skinner), William B. Davis (l'homme à la cigarette), Robert Patrick (John Doggett), Annabeth Gish (Monica Reyes)...
Walter Skinner en 2016
(Mitch Pileggi)

La série :


Chris Carter est un émule de Jacques Tourneur, comme en témoigne, au moins au début, la création de la série X-Files - littéralement "les dossiers secrets". En effet, les enquêtes de deux agents du F.B.I. (Federal Bureau of Investigations), issus des affaires non classées, distillaient un climat fantastique et angoissant qui évoquaient le subtile suggestion de l'horreur dans l'oeuvre du cinéaste de La Féline (Cat People). Mais en grandissant, la série est devenue un monstre intriguant qui a profondément rénové un genre en même temps qu'il a marqué la télé et ses téléspectateurs et engendré un véritable culte.
L'homme à la cigarette en 2016
(William B. Davis)

Les personnages :


- Dana Scully, jeune femme rompue aux sciences médicales et officiant au FBI, est affectée au bureau des affaires non classées, tenu par Fox Mulder, un agent surnommé "le martien" par ses collègues à cause de ses théories sur l'existence des extraterrestres et de leur projet de colonisation de la Terre avec la complicité de hauts fonctionnaires du gouvernement américain. L'obsession de Mulder trouve sa source dans l'enlèvement de sa soeur cadette, Samantha, alors qu'ils étaient enfants, ainsi qu'à sa défiance naturelle envers ses supérieurs et du rôle occulte qu'a tenu son père, un scientifique, après la seconde guerre mondiale.

- Rapidement, Scully va voir son rigoureux rationalisme ébranlé à cause des investigations étranges où l'entraîne son partenaire, qui n'est peut-être pas si fou que ce qu'on a voulu lui faire croire en lui demandant implicitement de discréditer scientifiquement ses recherches.

- Entre le soutien prudent de leur supérieur direct, le directeur adjoint Walter Skinner, et la présence menaçante de l'énigmatique mais influent "homme à la cigarette", les surprises ne vont pas manquer...
Une des punchlines célèbres de la série :
"La vérité est ailleurs".

Le dispositif de la série :

- X-Files est une curieuse créature bicéphale. Dès le départ, son créateur Chris Carter et son équipe de scénaristes développent deux aspects distincts et complémentaires de la série : d'un côté, une série fantastico-policière sur un principe simple (une enquête, un phénomène paranormal) qui conduit Mulder et Scully aux quatre coins des Etats-Unis ; et de l'autre, un feuilleton tentaculaire qui sème les éléments d'une conspiration entre l'Etat américain et les extraterrestres et que Mulder veut mettre à jour.
L'autre slogan emblématique de la série :
"Ne faîtes confiance à personne."

- Ainsi chaque saison, quelques doubles, voire triples épisodes sont consacrés à ce qu'on a rapidement appelé "la mythologie" de la conspiration, comme autant de chapitres névralgiques qui jettent des ponts d'une année à l'autre et enrichissent le background des héros et de la série (par exemple : Mulder est vite convaincu que le rapt de sa soeur est un élément-clé du complot).
Le poster du bureau de Fox Mulder :
"Je veux y croire."

- Le reste du temps, nos deux héros mènent des enquêtes d'un intérêt inégal, exploitant des situations souvent très originales (revisitant les mythes populaires, les bizarreries environnementales, les légendes urbaines...), qui restent parfois irrésolues. X-Files dresse alors un portrait en coupe de l'Amérique inquiétant, quelquefois drôle, insolite toujours.

- Carter et ses scénaristes osent même l'auto-parodie, ridiculisant les convictions si sérieuses de leurs héros ou rendant hommage avec dérision à la série B (voir les épisodes La queue du diable ; Promethée post-moderne ; Triangle ou Hollywood). Cela excuse d'autres épisodes moins convaincants, mais inévitables au cours de saisons en comptant jusqu'à 25. Néanmoins, après plus de cent épisodes, la série parvient encore à surprendre et la diversité des sujets, l'originalité de leur traitement, forcent le respect.

- "La mythologie" a, elle aussi, connu des hauts et des bas : le climat de politique-science-fiction s'est un peu enlisé dans une exploration confuse des diverses formes adoptées par les extraterrestres pour coloniser la Terre, avant de se recentrer sur le combat à la Don Quichotte du seul Mulder contre les conspirateur du monde entier. Mais, là encore, l'audace, la singularité de cette série dans la série épate.

- Petite série fauchée à ses débuts mais très inspirée, X-Files s'est transformé en une saga géante, une grosse production, logiquement prolongée sur le grand écran avec deux films : X-Files, combattre le futur  (1998) et X-Files, régénération (2008).  
Monica Reyes et John Doggett
(Annabeth Gish et Robert Patrick)

Le casting :

- La série a révélé deux acteurs épatants, dont les relations extra-professionnelles ont engendré un flux incroyable de rumeurs (faisant d'eux des amants puis des rivaux). 

- Il y a d'abord le séduisant et malicieux David Duchovny : comédien atypique à Hollywood, maniant l'auto-dérision avec science et bardé de diplômes littéraires, son interprétation de Fox Mulder a fait l'unanimité. Il a participé à l'écriture de quelques épisodes et en a même réalisé un (l'excellent Hollywood). Au cinéma, il s'est fait remarquer dans de multiples registres (la comédie romantique Droit au coeur de Bonnie Hunt, avec Minnie Driver ; la s.f. humoristique Evolution d'Ivan Reitman, avec Julianne Moore...).

- Gillian Anderson est devenue grâce au rôle de Dana Scully la rousse la plus célèbre de la télé des années 90 : son élégance racée et sa personnalité exigeante sont un contrepoint réjouissant à la placidité ironique de Duchovny. Elle a également brillé au cinéma en apparaissant dans des productions variées et originales (La carte du coeur de Willard Carroll, avec Sean Connery ; Chez les heureux du monde de Terrence Davies, avec Eric Stoltz).

- Avec ces deux-là, Chris Carter a fait exploser deux tempéraments peu communs et les a bien entourés avec le viril Mitch Pileggi (Walter Skinner), ou le théâtreux William B. Davis (l'homme à la cigarette), en particulier.

- A partir de la saison 7, lorsque le personnage de Mulder est à son tour enlevé par des extraterrestres (comme le fut Scully, un temps, avant lui), les scénaristes introduisent John Doggett, un nouvel agent (double car il collabore avec les comploteurs) pour enquêter sur cette disparition : il est joué par Robert Patrick. Puis, comme Duchovny parti de la série par lassitude et sans obtenir une augmentation de son salaire, Gillian Anderson est suppléée progressivement par Annabeth Gish, alias Monica Reyes, spécialiste des crimes rituels. Mais ces comédiens et leurs personnages ne réussiront pas à faire oublier leurs prédécesseurs : X-Files agonise alors pour s'arrêter en 2002 au terme de neuf saisons.

- Les films - X-Files, combattre le futur et X-Files, régénération - sont inégaux, et s'il me faut en préférer un, ce serait le second, même s'il comporte beaucoup de clins d'oeil à la série, que seuls les initiés apprécieront vraiment.
L'affiche du premier long métrage (1998) pour le cinéma 
adapté de la série :
X-Files - Combattre le futur.
L'affiche du second film (2008) adapté de la série
pour le cinéma :
X-Files - Régénération.

- La série a aussi connu divers prolongements sous d'autres supports : des novélisations dispensables, et des comic-books de facture très variable, publiés chez IDW.
Couverture d'un des comics adapté de la série,
publié par IDW.

Quoi qu'il en soit, ne ratez pas le retour de Mulder et Scully dans la dixième saison de X-Files : c'est un des meilleurs revivals qui soit, plus aboutis que les adaptations pour le cinéma, le roman et la bande dessinée, avec quelques piques savoureuses (les noms de collaborateurs célèbres, comme Vince Gilligan ou Kim Manners sont cités de manière irrésistibles), des retours jubilatoires (Duchovny, Anderson, parfaits, mais aussi Pileggi et Davis), une production maîtrisée comme à la grande époque par le créateur Chris Carter.

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