mercredi 28 octobre 2015

Critique 737 : THORGAL, TOMES 28 & 29 - KRISS DE VALNOR & LE SACRIFICE, de Jean Van Hamme et Grzegor Rosinski


THORGAL : KRISS DE VALNOR est le vingt-huitième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et dessiné par Grzegor Rosinski, publié en 2004 par les Editions du Lombard.
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Aaricia, bien que sous la bienveillante protection d'un prince romain, n'a pas renoncé à s'échapper avec ses enfants pour retrouver Thorgal. Reprise, elle est envoyée, avec sa progéniture, dans les mines d'argent.
Sur place, les conditions de travail sont inhumaines et rendues encore plus insupportables par la présence de Kriss de Valnor, qui a échoué ici après avoir dû quitter le repaire de Shaïgan-sans-merci, été capturée par une galère de l'empire, et s'être refusée au capitaine du navire.
Avec Aaricia et surtout Jolan, dont elle connaît les pouvoirs, Kriss s'évade et libère Louve, séparée de sa mère. Ensemble, le groupe ainsi formé fait route jusqu'à Ravinum, le dernier comptoir au Nord. C'est là que Jolan retrouve Thorgal, recueilli par un médecin après qu'il ait pu quitter l'île de Syrénia.
Il est temps de quitter la ville mais des hommes qui en veulent à Thorgal s'interposent. Kriss se sacrifiera pour permettre à ses compagnons de se sauver, confiant à Aaricia Aniel, le fils qu'elle a eu avec Thorgal quand il avait perdu la mémoire.
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THORGAL : LE SACRIFICE est le vingt-neuvième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et peint par Grzegor Rosinski, publié en 2006 par les Editions du Lombard.
Il s'agit du dernier épisode écrit par le créateur de la série, Jean Van Hamme.

Remontant jusqu'au Northland, Aaricia est désespérée : son mari agonise et un seigneur, à qui elle a demandé asile mais qui le lui a refusée et contre que Jolan a ridiculisé, veut se venger. La famille Aergisson ne devra son salut qu'à l'intervention de Vigrid (voir tome 14, Aaricia).
Le dieu d'Asgard rend provisoirement sa santé à Thorgal en lui remettant les larmes de Tjahzi, mais ce geste provoque la colère d'Odin qui envoie le fils des étoiles, et Jolan qui s'est accroché à son père, dans les cieux.
Le viking et son fils retrouvent la gardienne des clés qui leur explique qu'un seul homme peut aider Thorgal à se rétablir : il s'agit du fils d'une déesse et d'un mortel, Manthor, vivant dans l'Entremonde, à l'abri du père des dieux.
Manthor guérit Thorgal mais réclame en échange à Jolan qu'il devienne son disciple pour apprendre à maîtriser ses pouvoirs.
La famille Aergisson obtient du roi Gunnar de pouvoir se réinstaller au Northland, mais Jolan quitte les siens après un dernier échange avec son père, qui accepte son sacrifice.

Avec ces deux épisodes, Jean Van Hamme tire donc sa révérence à la série qu'il créa en 1977 : presque trente ans et autant d'albums plus tard, et malgré quelques chapitres moins bons, il s'acquitte de cet exercice avec style, tout en laissant la porte ouverte à la reprise de l'écriture des scénarios par Yves Sente (Rosinski demeurant l'artiste du titre).

D'une manière assez légitime, Van Hamme consacre le tome 28 à Kriss de Valnor, une de ses plus charismatiques créatures depuis son apparition dans le tome 9 (Les Archers). Il est évident que l'auteur a toujours conservé un faible pour cette superbe méchante dont la beauté physique et le tempérament machiavélique ont toujours été supérieurs à celui de Aaricia et de toutes les autres femmes de la série. Bien entendu, on pourra sourire de la retrouver une fois encore sur le chemin des Aergisson, alors qu'on l'avait quittée à la tête de pirates (dans le tome 22, Géants), mais une partie du charme de Kriss réside dans ce cliché dramatique.

Par ailleurs, si Van Hamme ne résiste pas à quelques facilités (un zeste de saphisme dans la scène des bains entre Kriss et Aaricia), il sait être réaliste (Kriss a eu un enfant de Thorgal, ce qui est logique vu le temps qu'ils ont passé ensemble quand il était, amnésique, sous sa coupe : difficile d'imaginer que pendant tout ce temps le fils des étoiles n'ait pas couché avec elle et donc qu'elle ne soit pas tombée enceinte). Enfin, le scénariste lui offre une belle sortie : même si, encore une fois, il s'agit d'un sacrifice (un motif récurrent dans la série), cela donne une certaine noblesse, qui rachète la cruauté affichée par Kriss en bien des occasions.

A la fin du tome 28, comme du précédent déjà, Thorgal est à l'article de la mort. Une nouvelle fois, Van Hamme recourt à une astuce narrative déjà vue à maintes reprises chez lui mais au suspense efficace : le fils des étoiles repart faire un tour dans une dimension parallèle, menacé par Odin. La gardienne des clés est au rendez-vous de cette aventure, mais c'est surtout la façon dont le scénariste se sert de Jolan dans l'intrigue qui va lui conférer une certaine émotion.

Admettons-le : on n'est pas aussi bouleversé qu'on aimerait dans cette histoire de sacrifice (encore, toujours), mais la transition qui s'opère, le passage de relais de Thorgal à son fils, tout cela est malin. Ainsi la série change subtilement de héros, le départ de Jolan faisant contrepoint au retour de sa famille au Northland. En vérité, la série est toute entière construite autour de ces notions d'exil, de retour, de succession, de famille (composée, séparée, recomposée, augmentée) : ces motifs lui donnent sa force et sa particularité en même temps, qu'au fil des épisodes, elle a fini par en révéler ses faiblesses (car utilisées trop répétitivement).

Si Kriss de Valnor est dessiné de manière classique par Rosinski, qui produit ses planches les plus abouties depuis longtemps (spécialement la séquence d'évasion en pleine nuit, où on retrouve son brio pour le clair-obscur, les jeux d'ombres et lumières), l'artiste polonais change complètement de technique pour Le Sacrifice en l'illustrant en couleurs directes.

On savait que Rosinski était un peintre de talent en admirant ses couvertures, mais sa prestation pour ces pages intérieures le confirme : le résultat est magnifique - et il a poursuivi cette expérience pour les épisodes suivants (et d'autres projets). La simplicité de son découpage sert à merveille ses peintures, avec une palette flamboyante (la représentation des décors extérieurs, avec une nature sauvage et différents climats traversés, est extraordinaire). Le seul élément perturbant qui en découle est que Thorgal, barbu, vieilli, ressemble étrangement à l'ex-rugbyman Sébastien Chabal...

Comme je l'ai dit précédemment, j'arrête avec cette entrée mes critiques de la série Thorgal : je voulais aller jusqu'au bout du run  de Van Hamme, mais après vingt-neuf épisodes, je ne peux cacher une certaine lassitude (et un manque d'envie de lire les albums écrits par Yves Sente). J'espère que je vous aurai motivés pour (re)découvrir ce titre qui, malgré un classicisme et des répétitions, est un divertissement de belle facture, réservant même dans sa première moitié des tomes émérites.   

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