mercredi 20 mai 2015

Critique 621 : MYTHOS - X-MEN #1 / SPIDER-MAN #1 / CAPTAIN AMERICA #1, de Paul Jenkins et Paolo Rivera

 
 (Ci-dessus : couverture et extrait de
Mythos : X-Men #1.
Textes de Paul Jenkins, peintures de Paolo Rivera.)
 
 (Ci-dessus : couverture et extrait de
Mythos : Spider-Man #1.
Textes de Paul Jenkins, peintures de Paolo Rivera.)
 
(Ci-dessus : couverture et extrait de 
Mythos : Captain America #1.
Textes de Paul Jenkins, peintures de Paolo Rivera.)

MYTHOS est une collection de six récits complets écrits par Paul Jenkins et peints par Paolo Rivera, publiés en 2006 (X-MEN), 2007 (SPIDER-MAN) et 2008 (CAPTAIN AMERICA) par Marvel Comics (les autres numéros sont consacrés aux Fantastic Four, à Hulk et au Ghost Rider : la série complète a fait l'objet d'un recueil).
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- Mythos : X-Men #1. Erik Lehnsherr alias Magneto, le mutant maître du magnétisme, s'en prend à trois hommes coupables d'avoir tué une jeune fille mutante de 12 ans. De son côté, Charles Xavier, professeur principal et fondateur de l'école qui porte son nom, entraîne ses cinq élèves (Scott Summers/Cyclops, Jean Grey/Marvel Girl, Bobby Drake/Iceman, Hank McCoy/Beast et Warren Worthington III/Angel) dans la salle des dangers lorsqu'il détecte télépathiquement une attaque de Magneto contre une base de l'armée américaine. Toute l'équipe se rend sur place pour empêcher les civils de se faire massacrer et connaître l'objectif de leur adversaire... 

- Mythos : Spider-Man #1. Peter Parker est un adolescent complexé qui, en visite scolaire à une exposition scientifique, se fait mordre par une araignée génétiquement modifiée. Pourvu de pouvoirs, il s'entraîne pour les mieux les maîtriser puis, sous le masque et le costume de Spider-Man, se produit dans un talk-show à la télévision afin de gagner de l'argent. En refusant d'arrêter un voleur dans le parking du studio de tournage, il va se rendre responsable d'un drame familial...

- Mythos : Captain America #1. Steve Rogers est un jeune homme chétif, qui perd ses parents prématurément dans les années 30. Lorsque la guerre éclate en Europe et que les nazis menacent les Etats-unis, il tente, en vain, d'intégrer l'armée. Mais, repéré par un officier, il accepte d'être le cobaye d'une expérience scientifique qui va le transformer en super-soldat...

Parfois, quand on traîne dans un hard-discount (comme un hangar de la marque Noz), on peut tomber sur de belles occasions, et c'est ainsi que je me suis procuré ces trois numéros de la mini-série Mythos écrite par Paul Jenkins et illustrée par Paolo Rivera (en attendant, peut-être, un jour prochain, de trouver les trois épisodes restants). J'en avais souvent entendu parler et pu en en voir quelques pages sur le Net, et si je connais très peu l'oeuvre de Paul Jenkins, je suis un fan de ce que produit Paolo Rivera depuis son passage sur Daredevil (au début du run de Mark Waid).

Mythos a été conçu par son scénariste et son éditeur comme une collection de récits complets d'une vingtaine de pages permettant d'apprendre aux lecteurs les origines de certains héros emblématiques de Marvel tout en les réactualisant et en établissant une passerelle avec leurs adaptations au cinéma.

Pour le néophyte, il s'agit donc d'un point d'entrée intéressant, car c'est rapidement lu et magnifiquement mis en images. Pour le connaisseur, c'est une nouvelle version qui présente l'avantage de respecter les fondamentaux de chaque personnage avec toujours un graphisme sublime.

Jenkins se montre très habile dans chacune de ses approches : par exemple, pour Spider-Man, il expédie la séquence de la morsure de l'araignée pour mettre en scène l'entraînement qu'accomplit Peter Parker une fois qu'il a ses pouvoirs puis modifie subtilement le moment où sa vie va basculer quand il laisse filer le voleur qui tuera ensuite son oncle Ben. 
Le scénario introduit des éléments modernes sans dénaturer l'esprit du personnage : on a ainsi droit à un caméo de l'animateur de late show Conan O'Brien où se produit Spider-Man pour gagner de l'argent - alors que dans le récit originel de Stan Lee et Steve Ditko, il se livre à des combats de catch. 
De même, quand le Tisseur retrouve l'assassin de son oncle et se venge en menaçant de le tuer, tout est visualisé d'une manière qui évoque le premier film réalisé par Sam Raimi. 
Mais Jenkins joue beaucoup sur la connaissance qu'a le public, amateur ou expert du super-héros, en encadrant son histoire par des formules complices comme "L'histoire ? Vous la connaissez." ou "La suite ? Vous la connaissez." C'est une façon ludique d'aborder Spider-Man comme un icone populaire dont la célébrité dépasse le cadre des comics et donc d'un lectorat averti (une licence qu'on ne peut se permettre qu'avec Batman ou Superman). 

En ce qui concerne les X-Men, la tâche est plus ardue car il faut présenter plusieurs personnages et deux parties opposées, dont les divergences philosophiques sont une métaphore du combat pour les droits civiques, une évocation de la persécution des juifs par les nazis, tout en aboutissant à un combat physique.
Le choix de Jenkins se porte évidemment sur la toute première génération des X-Men, avec Cyclops, Marvel Girl, Beast, Iceman et Angel, dirigée par le Pr Charles Xavier, et en face Magneto. Pourtant, encore une fois, l'auteur réussit brillamment à distribuer les cartes dans un espace restreint, en soignant la caractérisation et en proposant de l'action.
Le récit s'ouvre par une scène très forte, violente, et se clôt par un paysage désolé, qui synthétise très bien toutes les dimensions symbolique et mélodramatique du titre. Les pouvoirs des uns et des autres sont bien exposés et exploités. Le tout donne un sentiment de grande densité.

Enfin, avec Captain America, Jenkins semble avoir eu à coeur de valoriser le personnage, tout ce qu'il symbolise, sans sombrer dans un hommage trop patriotique. Ainsi sera-t-on étonné de lire des réflexions positives concernant les communistes !
L'histoire est riche en émotion, même si on a un peur du pathos des premières pages (quand Steve Rogers se trouve orphelin). Mais la suite balaie ces réserves et les séquences s'enchaînent sur un rythme très soutenu, où Captain America est mis en scène sous beaucoup d'aspects (en représentation pour convaincre les américains à s'engager, sur le front - en Tunisie, en France, en Allemagne). 
Jenkins trouve aussi une belle astuce narrative quand il doit montrer le héros à son réveil dans les années 60 puis aux côtés des Vengeurs, et enfin, comme pour boucler la boucle, à nouveau avec ses vrais camarades, devenus des vétérans de l'armée.
C'est fin, touchant, efficace.

Visuellement, Mythos rappelle qu'avant d'adapter son style (en étant encré par son propre père, Joe) à l'art séquentiel classique, Paolo Rivera est un peintre. Difficile d'échapper à la comparaison avec le maître en la matière qu'est Alex Ross, mais l'espagnol évolue dans un registre sensiblement différent. 
Sa palette et sa façon d'appliquer la couleur (de l'acrylique et de l'huile) sont moins marquées, son coup de pinceau a une délicatesse dont le rendu évoque l'impressionnisme, on pense à Edgar Degas. Il y a un effort singulier pour soigner les ambiances qui flirte avec l'abstraction parfois (notamment dans le final de l'épisode avec les X-Men).
Mais, comme Ross, Rivera est un artiste très méticuleux et, comme on peut le découvrir en consultant son blog, il s'inspire de photos pour reproduire les attitudes et les effets d'ombre et de lumière (en se prenant souvent pour modèle). L'épisode avec Spider-Man restitue avec génie les acrobaties du Tisseur, et celui avec Captain America propose des plans larges impressionnants (la double-page avec les Vengeurs est vraiment saisissante : une composition virtuose).

Pour les lecteurs de v.f., le recueil des épisodes de Mythos a été traduit par Panini, qui en avait d'abord publié des chapitres en compléments de la collection d'albums cartonnés Spider-Man et les héros Marvel

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