mardi 27 janvier 2015

Critique 564 : THORGAL - LE CYCLE QÂ, de Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski


THORGAL : LE CYCLE QÂ rassemble en un seul volume les tomes 9 à 13 (LES ARCHERS, paru en 1985 ; LE PAYS QÂ, paru en 1986 ; LES YEUX DE TANATLOC, paru en 1986 ; LA CITE DU DIEU PERDU, paru en 1987 ; et ENTRE TERRE ET LUMIERE, paru en 1988) de la série, écrits par Jean Van Hamme et dessinés par Grzegorz Rosinki, publié en 2003 aux Editions Le Lombard.
Ces cinq épisodes forment une saga complète.
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THORGAL : LES ARCHERS est le 9ème tome de la série, publié en 1985, et le premier chapitre du CYCLE QÂ.
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Deux aventuriers, la belle Kriss de Valnor et son complice Sigwald, dérobent dans un village la pierre de sang aux Fidèles puis prennent la fuite.
Thorgal, un viking, mari d'Aaricia et père de famille, est sorti pêcher mais un orage le surprend et il doit faire face à une mer déchaînée. Son embarcation se retourne et il manque de se noyer lorsqu'il est sauvé par le jeune Tjall qui le ramène chez son oncle, Arghun.
Kriss de Valnor et Sigwald se rendent chez Arghun pour s'approvisionner en armes : c'est l'occasion pour la jeune femme mais également Tjall et Thorgal de comparer leurs talents au tir à l'arc. Un grand concours d'archers va se tenir à Umbria, avec une belle récompense en argent à la clé pour son vainqueur. Thorgal décide d'y participer pour s'acheter un nouveau bateau.
Tjall et Arghun accompagnent Thorgal mais retrouvent en route Sigwald qui leur explique que Kriss a été faite prisonnière par les Fidèles (sans détailler les raisons de cette capture). Tous ensemble, ils la libèrent mais dans la bataille, Sigwald se blesse à un bras, ce qui l'empêche de concourir au tournoi. Thorgal propose une alliance à Kriss.
Les épreuves et les candidats sont redoutables mais Kriss, Thorgal, Tjall et Arghun sont les quatre finalistes. Refusant de s'entretuer pour le plaisir du seigneur d'Umbria, ils conviennent de partager la récompense en quatre.
Mais Kriss ne s'en contente pas et se fait la bell avec la totalité du butin.
En retournant chez Arghun, ils trouvent Sigwald mort puis découvrent Kriss à nouveau aux prises avec les Fidèles qui lui réclament la pierre de sang. Thorgal la sauve mais elle se retire sans lui témoigner la moindre gratitude.  

THORGAL : LE PAYS QÂ est le 10ème tome de la série, publié en 1986, et le deuxième chapitre du CYCLE QÂ.
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Après avoir pu regagner son foyer, Thorgal emmène sa femme Aaricia et leur fils Jolan rendre une visite de courtoisie à Tjall et Arghun. Tandis que ce dernier montre au fils de leurs visiteurs la campagne environnant son domicile, ils sont attaqués et enlevés par une bande d'hommes.
Au même moment, Kriss resurgit devant Tjall, Aaricia et Thorgal à qui elle annonce le kidnapping respectif de son oncle et de leur fils. Ils ne leur seront rendus que s'ils acceptent de l'aider dans une mission à haut risque : il s'agit de voler le casque du seigneur Ogotaï, considéré comme le seigneur du peuple des Chams établi dans une lointaine contrée du Sud.
Jolan et Arghun sont, eux, pendant ce temps, accueillis par le commanditaire de leur enlèvement, Variay, prêtre des Xijins, aux ordres du seigneur Tanatloc.
Thorgal, Aaricia, Kriss et Tjall (qui est amoureux secrètement de la belle brigande) traversent la dangereuse jungle du Pays Qâ au bout de laquelle ils accéderont au territoire des Chams. Mais le guide qui doit leur permettre de s'introduire dans la place a été assassiné quand ils y arrivent.  
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THORGAL : LES YEUX DE TANATLOC est le 11ème tome de la série, publié en 1986, et le troisième chapitre du CYCLE QÂ.
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Variay, le prêtre Xinjin, parle de Thorgal à Tanatloc, qui est aussi le père agonisant de Ogotaï.
Progressant avec difficulté dans la jungle, Thorgal y affronte un fauve avant que Kriss réussisse à capturer un Cham. Elle séduit également facilement Tjall pour le convaincre d'abandonner leurs compagnons car Thorgal, blessé, les freine.
Pendant ce temps, Jolan est présenté à Tanatloc qui lui révèle être son arrière grand-père et donc, par conséquent le grand-père de Thorgal. Cette généalogie explique les pouvoirs dont est doté le garçon, qui lui permette, notamment, de guérir à distance les blessures de son père. Mais cela donne aussi l'idée à Variay qu'une fois Tanatloc mort, Jolan devra lui succéder sur le trône.
Thorgal remis, il part avec Aaricia à la poursuite de Kriss qu'a suivi Tjall et finit par les rattraper juste avant l'entrée de la cité de Mayaxatl, capitale des Chams sur laquelle règne Ogotaï.
Comme prévu, Tanatloc meurt et Variay intronise Jolan comme son héritier direct à la tête du peuple Xinjin.
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THORGAL : LA CITE DU DIEU PERDU est le 12ème tome de la série, publié en 1987, et le quatrième chapitre du CYCLE QÂ.

Thorgal et Kriss pénètrent en premier dans la cité de Mayaxatl, laissant Aaricia et Tjall derrière eux pour qu'ils puissent venir les secourir si besoin est. Ils entrent en contact avec un espion Xinjin infiltré sur place qui leur signifie le but exact de leur mission : tuer Ogotaï et récupérer son casque. Mais Thorgal refuse d'éliminer qui que ce soit. Alerté par la présence de cet intrus dans leurs murs, les Chams capturent alors Thorgal puis Aaricia. Tjall réussit à leur échapper. 
Emprisonné dans une cellule, Thorgal revoit en songe le film de ses origines depuis la mort de sa mère lors de son accouchement jusqu'à la folie qui a rongé son père et le conflit qui l'a opposé à son grand-père. Réveillé, il est conduit de force jusqu'à un autel au sommet d'une pyramide pour yn être sacrifié en place publique avec Aaricia.
Heureusement, Kriss et Tjall interviennent et les aident à éviter ce sort funeste. Ils se réfugient à l'intérieur du temple, mais dans le mouvement Tjall est mortellement blessé. Kriss, elle, atteint l'appartement de Ogotaï qui a pris Aaricia en otage pour se protéger. Il se sert de ses pouvoirs pour vieillir subitement Kriss quand Thorgal surgit et l'affronte.
Aaricia abat Ogotaï et, avec Kriss et Thorgal, quitte Mayaxatl à bord du vaisseau du défunt seigneur des Chams. 
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THORGAL : ENTRE TERRE ET LUMIERE est le 13ème tome de la série, publié en 1988, et le cinquième (et dernier) chapitre du CYCLE QÂ.
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Une fois chez les Xinjins (chez qui Kriss les a menés), Thorgal et Aaricia sont arrêtés par les gardes de Variay qui refuse de leur rendre leur fils. Le couple est enfermé avec Arghun dans un endroit terrible appelé la bouche du soleil, une cavité exposée à un soleil ardent dont la chaleur et la lumière sont réfléchies par les cristaux qui la tapissent.
Uebac, rival de Variay, le fait arrêter. Jolan, séquestré, réussit à s'échapper en empruntant un passage secret et retrouve Kriss à qui il rend sa jeunesse et sa beauté grâce à ses pouvoirs. Toujours aussi ingrate, elle le prend alors en otage afin de couvrir sa retraite.
Variay aide Thorgal, Aaricia et Arghun à sortir de la bouche du soleil puis tue Uebac qui, avant de mourir, révèle que Kriss est partie avec Jolan. Thorgal et Arghun se lancent à leur poursuite, découvrant en route les cadavres des Xinjins qu'elle a laissés derrière elle.
Les deux hommes réussissent à récupérer Jolan mais Kriss leur échappe.
Variay consent à laisser repartir le garçon avec ses parents mais Arghun choisit de s'installer parmi les Xinjins.

J'ai lu pour la première fois cette saga pratiquement quand elle a été publiée en en empruntant les tomes au fur et à mesure qu'ils sortaient et été achetés par la bibliothèque municipale. A cette époque, j'étais un fan assidu de ce qu'écrivait le scénariste Jean Van Hamme, avec une préférence pour les séries XIII et Thorgal, et un admirateur du dessinateur Grzegorz Rosinski, et c'était une passionnant feuilleton qui se déroula au cours de ces cinq albums.

Depuis, bien du temps a passé, mes goûts ont beaucoup changé, j'ai découvert d'innombrables autres auteurs, séries, mais j'ai toujours gardé une affection particulière pour ces épisodes d'un titre que j'ai par ailleurs totalement cessé de suivre. En accédant à l'intégrale en un volume du Cycle Qâ, paru en 2003, il y a un petit moment, j'ai pris des notes pour établir un résumé de l'intrigue et en analyser la construction, en éprouver la structure, vérifier si elle demeurait aussi efficace que dans mes souvenirs. Et j'ai pensé qu'un de ces jours, ce serait une base pour en rédiger une critique.

C'est toujours remarquable quand on découvre qu'une histoire qui vous a fait vibrer enfant ou adolescent continue à produire cet effet sur vous à l'âge adulte : on apprécie que la mémoire ne vous a pas trahi et qu'un récit reste bon, en ayant résisté au temps passé, conservant son pouvoir d'attraction, d'évasion.

Le fait est que si Jean Van Hamme est un scénariste qui a beaucoup (vraiment beaucoup) écrit, et parfois à tort et à travers, quitte à rendre médiocre une série pourtant longtemps très forte (comme, par exemple, XIII, dont le concept, déjà bien inspiré par les romans de Robert Ludlum, dont les films de la saga Jason Bourne ont été adaptés), il avait avec le Cycle Qâ atteint une apogée dans son abondante carrière. Son épopée (dont la qualité s'étend aux tomes précédents ces cinq tomes là et à quelques-uns qui suivent dans la série Thorgal) est très solidement bâtie, doté d'un rythme palpitant avec des rebondissements foisonnants, et une galerie de personnages mémorables.

S'il ne fallait retenir que trois éléments essentiels dans cette saga, ce serait :

- 1/ les révélations concernant le passé de Thorgal dont on découvre qui est le père et le grand-père. Toute cette partie a des accents shakespeariens étonnants, avec une naissance dramatique, la folie qui s'empare du père, l'antagonisme mortel avec le grand-père, et pris en tenailles entre ces deux hommes Thorgal et son propre fils Jolan. Cette filiation tragique articule un mélodrame fantastique sur fond de mythologies viking et maya et est captivante de bout en bout grâce au talent de Van Hamme pour délivrer ses coups de théâtre.

- 2/ La création de Kriss de Valnor. Vous connaissez l'aphorisme de Hitchcock : "meilleur est lé méchant, meilleur est le film", et avec cette sublime garce de Kriss, on en a une flamboyante illustration. Dès la première scène, la première page des Archers, nous apparaît une créature charismatique, vénéneuse, fatale, sans scrupules, qui donne le "la" à toute la saga. Comme Tjall, le neveu d'Arghun, nous sommes sous le charme de Kriss de Valnor tout en sachant qu'elle est inaccessible et dangereuse, mais ces deux aspects nous la rendent précisément irrésistible. C'est un personnage génial, qui anime tout le Cycle Qâ (et qui reviendra ensuite hanter d'autres épisodes ultérieures, jusqu'à alimenter un spin-off à part entier).

- 3/ Ce bloc de cinq chapitres constitue une oeuvre en soi. Si vous n'avez pas lu les albums précédents, le récit est quand même parfaitement compréhensible, et une fois arrivé à la fin de l'aventure, on peut s'en tenir là. La densité du propos n'a d'égal que la fluidité avec laquelle Van Hamme parvient à injecter une telle profusion d'informations, de situations, de personnages sans jamais noyer le lecteur. Chaque rôle est fortement incarné (tellement bien que lorsque l'un d'eux est sacrifié, comme Sigwald, on le quitte avec regret), chaque péripétie est intense, la narration (majoritairement parallèle à partir du tome 10, chapitre 2 de la saga) est maîtrisée en nous baladant d'un camp à l'autre (en territoires Cham et Xinjin), au gré de décors hallucinants.

Visuellement, c'est aussi un sommet pour ce grand dessinateur qu'est Grzegorz Rosinski : cet artiste polonais a imposé avec la série Thorgal (mais aussi d'autres productions comme Hans, écrit par Duchâteau ; La Complainte des Landes Perdues, écrit par Dufaux ; La Vengeance du Comte Starbeck, écrit par Sente ; ou ses autres collaborations avec Van Hamme sur Western ou Le Grand Pouvoir du Chninkel) un style expressionniste et raffiné dont ces tomes représentent le meilleur aspect (depuis La vengeance du comte Starbeck, il a opté pour des illustrations en couleurs directes, aussi belles mais au rendu très différent).

Peut-être davantage encore que les personnages, ce sont les décors qui frappent chez Rosinski : il est capable de dessiner des sites prodigieux, exotiques, spectaculaires, en s'appuyant sur des références familières et précises mais en y ajoutant une touche d'excentricité qui fait la différence avec de banales reproductions.
Et le Cycle Qâ lui fournit de quoi s'amuser, entre le tournoi d'archers d'Umbria, la jungle des Chams, la cité Mayaxatl, les grottes des Xinjins, la bouche du soleil (magnifique idée pour une prison), les vaisseaux extraordinaires empruntés à plusieurs reprises par les personnages.

Toutefois, les héros du récit disposent tous de physiques mémorables : si Thorgal est un archétype du héros de bande dessinée d'aventures (beau, athlétique, ténébreux, avec cette petite balafre sur la joue), tous ceux qui l'entourent dans cette histoire sont conçus de manière à imprimer puissamment le regard du lecteur dès leur première apparition.
Bien entendu, Kriss de Valnor domine la distribution, mais c'est aussi parce que Rosinski n'en a pas seulement une superbe femme, sexy et dominatrice, il a surtout su ne pas en faire que ça, sachant ne pas sombrer dans une figure de bombe sexuelle et n'hésitant pas à la malmener quand le scénario l'afflige. Aaricia se pose comme le contrepoint de cette maîtresse-femme, avec sa blondeur, son attitude maternelle (qui n'occulte pas un esprit combatif).
Arghun avec sa jambe de bois et sa barbe rousse, Tjall et sa jeunesse tragique, Jolan dont l'enfance est très bien figurée, le prêtre Variay à l'apparence très crédible, le menaçant Ogotaï, bénéficient tous de designs très étudiés.

Même si vous ne (re)lirez pas cette saga avec la même approche que moi, pour qui elle a le goût d'une madeleine de Proust, allez-y, revenez-y sans crainte : c'est un quintet absolument admirable, écrit avec dextérité et somptueusement mis en images. Un authentique classique, qui porte beau ses trente ans.

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