mardi 15 juillet 2014

Critique 479 : SPIROU ET FANTASIO, TOMES 36-37 - L'HORLOGER DE LA COMETE - LE REVEIL DU Z, de Tome et Janry


SPIROU ET FANTASIO : L'HORLOGER DE LA COMETE est le 36ème tome de la série, écrit par Tome et dessiné par Janry, publié en 1986 par Dupuis.
Cet album forme la première partie d'une histoire à suivre dans le tome 37.
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Le Comte de Champignac doit s'absenter quelques jours pour aller soigner son petit-neveu Aurélien et il confie les clés de son château à ses deux amis, Spirou et Fantasio (Spip est aussi là, pour profiter de ce cadre bucolique propice au repos).
Fantasio tond la pelouse du parc puis fait un peu de ménage dans la demeure de leur hôte lorsqu'il casse par accident une grosse bouteille de chloroforme qui l'endort avec Spirou. Ils se réveillent péniblement quelques heures mais une explosion retentit à l'extérieur : un vaisseau a atterri dans l'entrée du château et le pilote qui en sort se présente comme Aurélien, le neveu du Comte... En provenance d'un lointain futur ! Il s'est donné pour mission de recueillir des échantillons de germes afin d'enrayer la désertification de la planète plus tard, et sa quête doit commencer par la Palombie.
Mais bien entendu, le voyage ne sera pas de tout repos et va même entraîner les héros jusqu'au XVIème siècle !
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SPIROU ET FANTASIO : LE REVEIL DU Z est le 37ème tome de la série, écrit par Tome et dessiné par Janry, publié en 1987 par Dupuis. 
Cet album représente une suite au tome 36.
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Fantasio a tiré un article du voyage dans le temps qu'il a effectué en compagnie de Spirou, Spip et Aurélien de Champignac, mais le directeur de l'information du journal doute de la véracité de ce récit. Il soumet le reporter aux questions de deux experts tout en le faisant boire abusivement. Fantasio se blesse en tombant dans l'escalier.
Spirou veille sur son ami après sa sortie de l'hôpital quand ils reçoivent la visite du snouffelaire, l'animal mutant d'Aurélien de Champignac, envoyé pour leur demander de l'aide. Peu après, d'étranges touristes envahissent la maison de nos héros qui découvrent, sidérés, qu'ils sont en 2062 !
So-Jah, l'assistant d'Aurelien, vient à leur secours et leur explique la situation : Zorglub  (ou plutôt son fils) règne désormais sur le monde, à la tête d'une nouvelle armée de zorglhommes, et contrôlant le temps. Il retient le petit-neveu du Comte à qui il compte soutirer le moyen d'aller dans le passé pour recruter de nouveaux soldats...

A peine trois albums après leur prise en main de la série, Tome et Janry affichent leurs grandes ambitions en embarquant leurs lecteurs dans un dyptique. En effet, si à la fin du premier de ces épisodes, on peut estimer que l'affaire est pliée, on comprend qu'il est nécessaire d'avoir lu le tome 36 pour apprécier pleinement le tome 37.

L'horloger de la comète brode sur un thème rebattu, le voyage dans le temps, sur un rythme trépidant : le scénario de Tome introduit le personnage du petit-neveu de Champignac, renvoie Spirou et Fantasio (et Spip) en Palombie, les expédie au XVIème siècle... On n'a pas le temps de souffler et l'auteur mise sur les surprises permanentes du récit pour empêcher justement le lecteur de trop gamberger. On est dans une pure fantaisie, une aventure absurde, drôle et palpitante.

Privé de l'usage du Marsupilami, Tome joue avec le souvenir de la bestiole grâce à deux éléments. D'abord, il y a le snouffelaire, une curieuse créature, croisement d'un fox à poil ras et d'un porc, d'une hallucinante laideur mais quand même très drôle, référence explicite aux monstres de Franquin et envie manifeste d'inventer un animal improbable et mémorable : curieusement, en dehors de ces épisodes, il ne sera plus jamais employé (et les successeurs de Tome le laisseront en 2062 comme Aurélien de Champignac). Ensuite, le voyage en Palombie fait espérer à une apparition du Marsu mais, évidemment, il n'en sera rien... Ce sera toujours un regret que Tome n'ait jamais pu disposer de l'étonnant animal (qui va toutefois faire son retour dans la série dans le futur tome 55 puisque Dupuis a racheté Marsu Productions qui en détenait les droits. Espérons que Fabien Vehlmann orchestre brillamment ce come-back tant attendu !).
La chute de l'histoire semble assurer que tout est rentré dans l'ordre et la dernière case boucle la boucle de manière à la fois malicieuse et angoissante...

Mais Le réveil du Z relance tout avec, en prime, la réapparition de Zorglub. Dès la page 0 (si, si), Tome procède à un rappel des grands classiques que furent Z comme Zorglub et L'ombre du Z (tomes 15 et 16) avec une page à la fois ironique et grandiloquente, digne d'un teaser de film d'épouvante, très réussie. A titre personnel, j'ai toujours considéré que le personnage de Zorglub gagnait à être présenté comme un authentique cinglé maléfique et pas simplement un rival grotesque de Champignac (encore moins un gentil dévoyé), et c'est pour cela que j'ai toujours trouvé que Greg et Franquin n'en avaient pas tiré le maximum (pire encore quand on lit ce que Franquin en fit dans Panade à Champignac). S'il avait été développé ainsi dès le départ, il aurait été l'égal de Zantafio, supérieur peut-être même en dangerosité contre Spirou et Fantasio.
Toutefois, avec cette nouvelle histoire, le scénariste ruse quelque peu avec ce célèbre adversaire puisqu'il met en scène son fils. L'idée en vaut bien d'autres, surtout que le récit ménage de spectaculaires effets, avec un futur flippant à souhait, et à nouveau une cascade de situations haletantes sur un tempo soutenu.
Entre de nouveaux calembours (comme le nom de l'assistant d'Aurélien, So-Jah) et une longue séquence d'évasion (pages 35-43), avec au milieu de tout ça l'invention (là encore restée sans suite) du "Manomol", on s'amuse et on vibre : c'est une nouvelle réussite.

Et les dessins là-dedans ? Hé bien, Janry tient la grande forme : qu'il s'agisse de designer le vaisseau spatio-temporel d'Aurélien (en forme d'anneau de Möbius : très bien vu) ou la jungle palombienne au XVIème siècle avec les conquistadors et les indiens, il accomplit des merveilles dans L'horloger de la comète
Le défilé de situations cocasses et dramatiques permet de valoriser l'expressivité des personnages et de varier les ambiances, et l'artiste nous gratifie de superbes planches (comme celles où Spirou, Fantasio et le descendant du Comte s'échappe du fort en pleine nuit).
Pourtant, dans Le réveil du Z, Janry se surpasse en ayant le loisir de créer entièrement un environnement futuriste cauchemardesque, avec des décors urbains dignes de Blade Runner, des machineries imposantes, une horde de zorglhommes, une horloge géante (hommage évident à The Big Clock de John Farrow, avec Ray Milland et Charles Laughton).
Le snouffelaire est aussi admirablement réussi : son look est tordant et fait tout passer, y compris des gags de pétomanie explosive.

Au final, ces deux albums ne valent peut-être pas le tandem ultérieur de La frousse aux trousses-La vallée des bannis (chef d'oeuvre de Tome & Janry sur la série) mais forment quand même un fameux ensemble. Encore deux épisodes de haute volée dans un run de grande classe.  

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