dimanche 18 mai 2014

Critique 448 : DAREDEVIL BY MARK WAID VOLUME 7, de Mark Waid, Chris Samnee, Jason Copland et Javier Rodriguez


DAREDEVIL BY MARK WAID VOLUME 7 rassemble les épisodes 31 à 37 de la série, écrits par Mark Waid et dessinés par Chris Samnee (#31-32, #35-36 + les crayonnés du #33), Jason Copland (les finitions du #33) et Javier Rodriguez (#34), publiés en 2013 et 2014 par Marvel Comics.
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(Extrait de Daredevil #36.
Textes de Mark Waid, dessins de Chris Samnee.)

L'organisation raciste des Fils du Serpent a décidé de faire main basse sur New York en provoquant un chaos savamment orchestré, après avoir infiltré les différentes sphères de la société (police, pompiers, justice...). Pour cela, le Jester (le Pitre), un vilain spécialiste de ce genre d'opérations, a été engagé et sème la pagaille en parasitant l'allocution télévisée d'un procureur après le verdict dans une affaire de crime où la femme qui a tué un jeune noir a été innoncentée.
Daredevil sauve le procureur et devine vite que le Jester est derrière cette manoeuvre. Mais il lui faut surtout en savoir plus sur les Fils du Serpent pour déjouer leurs plans et leurs méthodes. Il s'adresse au Dr Strange qui l'oriente vers un certain Jack Russell, basé dans le Kentucky. Là-bas, l'homme sans peur fait la connaissance de la Légion des Monstres, dont Russell fait partie (car c'est un lycanthrope) et qui lui indique comment s'emparer du Darkhold, un grimoire à l'origine de la formation des Fils du Serpent.
De retour à New York, Daredevil, avec l'aide Kirsten McDuffie, retourne la situation à son avantage en discréditant les Fils du Serpent auprès de la population. Mais c'est alors qu'il doit faire face à un chantage de la part d'un des cadres de l'organisation : soit il défend l'un des leurs dans un procès, soit tout son passé de justicier (preuves à l'appui) sera dévoilé et donc sa carrière, son existence et celles de ses proches seront brisées.
Matt Murdock choisit alors une parade inattendue qui va totalement bouleverser sa vie...

Ces six épisodes sont donc les derniers du volume III de la série, qui vient d'être relaunchée (depuis Mars) aux Etats-Unis - une relance conduite avec la même équipe créative, mais justifiée par les évènements relatés dans ce dernier arc (et aussi pour permettre à Marvel d'augmenter le prix de l'épisode d'un dollar).

Pour le scénariste Mark Waid, depuis le début de son run, tout a été bon pour redonner des couleurs à la série, en choisissant de rompre avec la tonalité dramatique des épisodes de Brian Bendis, Ed Brubaker et Andy Diggle. Ce choix a été également souligné par une nouvelle direction esthétique qui a vu se succéder des artistes comme Paolo Rivera, Marcos Martin, Mike Allred, Javier Rodriguez et surtout, dernièrement, Chris Samnee, dont le traitement graphique tranchait avec la veine réaliste et sombre d'Alex Maleev, Michael Lark, Roberto de la Torre.
Le climax, croyait-on de ce run, se trouvait dans les épisodes du volume 5 (jusqu'au #27), où l'on découvrit que le scénariste avait patiemment mis en place une intrigue ourdie par un des plus (sinon le plus) célèbres ennemis de Daredevil. Mais visiblement, Mark Waid avait encore envie d'aller plus loin et d'impulser un ultime mouvement aux aventures de l'homme sans peur pour qu'elles repartent ailleurs et plus fort.

De fait, ces chapitres demeurent inégaux : l'histoire oppose Daredevil aux Fils du Serpent mais peine à décoller (c'était déjà un problème rencontré par Waid au début de son run, avec la saga de l'Omega Device), et sa résolution est trop simple et rapide pour convaincre. Auparavant, il nous aura entraîné dans une virée dans le Kentucky où DD croise la route de la Légion des Monstres, un détour curieux mais qui ne tient pas non plus toutes ses promesses (nourries pas la métaphore du diable rouge rencontrant ce groupe de parias liés aux forces occultes) - c'est certes dépaysant et inattendu, mais sans atteindre ce que fit Ann Nocenti (visiblement, une des références de Waid pour redynamiser la série).
Le scénariste n'est pas à blâmer pour les efforts qu'il fait pour diversifier les adversaires à Daredevil, donner un nouveau ton à ses aventures, mais quand il oppose son héros à des organisations criminelles, il le prive d'un ennemi physique qui fournit des combats comme le titre gagne à en proposer. La menace est trop ambiante, pas assez incarnée, et le lecteur est frustré par le spectacle d'un justicier cherchant davantage à contrer tactiquement un opposant plutôt qu'à en finir avec lui au terme d'une bagarre plus classique mais aussi plus efficace.
La rencontre entre Daredevil et la Légion des Monstres échoue un peu pour la même raison : Waid cherche trop ostensiblement à organiser des réunions improbables entre un héros urbain et des créatures fantastiques pour le plaisir de surprendre, de dérouter, le lecteur, mais sans les exploiter profondément. Du coup, ce sont ici davantage des figurants détonants que de réels guest-stars influant sur le héros : pour DD, il ne s'agit que d'intermédiaires pouvant lui permettre de résoudre un de ces problèmes, pas de partenaires qui arrivent à le changer. Waid aurait très pu s'en passer et faire en sorte que le Dr Strange aide seul et directement son héros plutôt que de passer deux épisodes hors de New York pour récupérer quelques pages d'un manuscrit magique.

Ces maladresses sont d'autant plus déconcertantes que l'on assiste à un spectaculaire redressement lors des deux ultimes épisodes où l'histoire rebondit et va considérablement impacter le personnage principal et son avenir. Là, on retrouve le meilleur de Waid sur la série, avec, outre une invitée remarquée (Elektra), une succession de scènes rapides et complexes dont Daredevil choisit de se sortir en adoptant une stratégie qui s'inscrit à la fois parfaitement dans tout ce qui a été fait dans la série depuis le run de Bendis (le jeu du chat et de la souris sur l'identité civile du justicier) et dans ce que son auteur actuel souhaite entreprendre (offrir un nouveau cadre d'action à DD, après lui avoir donner une nouvelle tonalité narrative et esthétique).
En resserrant les éléments constitutifs de la série à se seuls protagonistes (Matt, Foggy, Kirsten), Waid renoue avec ce qu'il sait le mieux faire : une caractérisation originale, des enjeux clairement exposés mais difficiles à résoudre, un twist final qui redistribue les cartes sans se départir d'une certaine malice.
On a vraiment envie de connaître la suite, qui promet de déplacer Daredevil de ses repères habituels et va le redéfinir d'une manière très atypique (un super-héros dont la double identité sera connue de tous mais qui n'agit pas dans un cadre pouvant le protéger, lui ou ses proches - comme Captain America avec le SHIELD ou Iron Man avec sa fortune, par exemple).

L'inégalité du scénario a hélas ! contaminé les dessins et dans ce recueil, on a quand droit à trois artistes pour six épisodes.
Chris Samnee reste le plus présent et fournit un très bon travail, en deçà de ce qu'il a produit auparavant (même si les deux derniers chapitres sont excellents). Mais on ne peut s'empêcher de le trouver un peu fatigué, un peu moins inspiré (y compris pour les couvertures, un exercice où il est pourtant toujours à l'aise). Est-ce la contrepartie de son succès ? Devenu une étoile montante de Marvel, il s'est un peu dispersé en acceptant de signer des variant covers par paquets sur d'autres titres. Mais je suis confiant dans sa capacité à renouer avec de l'application.
Samnee a aussi storyboardé l'épisode 33 et réalisé les crayonnés, qui ont été achevés et encrés par le canadien Jason Copland. On peut voir quelques-uns des layouts du premier dans les bonus de l'album, et ainsi constater que les finitions ne sont pas à la hauteur, souvent brouillonnes. C'est dommage.
Pour le #34, c'est le coloriste de la série, Javier Rodriguez qui prend les commandes et s'en acquitte avec plus de soin : son style évoque résolument celui de Steve Ditko, même si, évidemment, c'est moins abouti que ce que faisait le maestro (une certaine raideur des personnages et des effets de découpage peu maîtrisés font la différence).

Le bilan est donc partagé : des épisodes en trop, des déviations dispensables, mais un final prometteur, habile. Visuellement, c'est au diapason. Souhaitons que la relance du titre ait permis à toute l'équipe créative de reprendre son souffle et des forces car, avec cette page qui se tourne, Daredevil a tout pour bien se réinventer.        

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