mardi 4 février 2014

Critique 406 : FABLES, VOLUME 18 - CUBS IN TOYLAND, de Bill Willingham, Mark Buckingham et Gene Ha

FABLES : CUBS IN TOYLAND est le 18ème tome de la série créée et écrite par Bill Willingham, publiée par DC Comics dans la collection Vertigo en 2013. Il fait suite à à Inherit the wind (#108-113) et propose les épisodes 114 à 123, dessinés par Mark Buckingham (#114-121) et Gene Ha (#112-113).
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- #114-121 : Cubs in Toyland. Bigby Wolf et sa fille Winter se trouvent dans le pays de North Wind où elle vient d'être désignée pour succéder à son grand-père. Dans leur maison, Snow White s'occupe de ses autres enfants mais néglige une de ses filles, Therese, qui se plaint d'avoir reçu comme cadeau un bateau en plastique qu'elle pense prévu pour un garçon. 
A New York, les autres Fables visitent le château de Mr Dark désormais vacant dans le projet de s'y installer mais découvre dans une cellule Leigh Douglas (l'ex Nurse Spratt) et son co-détenu Verian Holt. 
Cependant, tandis que les enfants de Bigby et Snow White s'amusent au grand air, Therese s'éloigne et découvre Lord Mountbaten, le tigre mécanique désormais rouillé. Suivant les ordres de son bateau en plastique, elle le met à l'eau et il se met à grandir jusqu'à ce qu'elle puisse monter à son bord. Il l'entraîne jusqu'au pays des jouets où elle doit devenir leur reine, mais c'est un monde désolé et plein de sinistres secrets qu'elle va découvrir. L'aventure va littéralement la métamorphoser et aboutir à un drame...

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Dans cet arc en 8 parties, Bill Willingham se penche à nouveau sur le sort des enfants de Bigby et Snow White, en particulier Therese. Il brode une aventure étonnante et très sombre en inventant un nouveau monde, celui des jouets. Ce faisant, il relègue au second plan, en quelques scènes, ce qu'il advient des autres Fables explorant le château de leur ancien ennemi, Mr Dark (neutralisé par North Wind, le père de Bigby).
L'intrigue que développe Willingham sort des sentiers battus et va se révéler comme une des plus tragiques de toute la série. Il m'a fallu, je l'avoue, du temps pour démarrer la lecture de ce tome et aussi pour entrer dans cette histoire, mais une fois dedans on est accroché et le dénouement est poignant comme jamais (en tout cas, il égale en émotion celui de Fables vol. 12 : The Dark Ages, avec l'agonie de Boy Blue).
On pourra, si on est principalement intéressé par les Fables, trouver cet arc un peu longuet et superflu, mais le scénariste a pris un parti courageux en ne donnant pas forcément tout de suite aux fans ce qu'ils attendent et leur réservent quand même de spectaculaires surprises, amenées à être ultérieurement développées, c'est indéniable.

La tonalité du récit est au début faussement légère avec sa jeune héroïne, mais rapidement on comprend qu'une ambiance angoissante, morbide, plane sur son aventure. Les couleurs vives cèdent vite la place à des teintes plus lugubres, avec le décor d'un château en ruines, des jouets abimés, cachant à leur reine des secrets étranges (et finalement sinistres).
En définitive, Willingham capte parfaitement ce qui fait le sel des contes, ces histoires apparemment pleines d'insouciance et de naïveté mais aux péripéties et à l'issue souvent dérangeante et anxiogène. A cet égard, les dessins de Mark Buckingham et la colorisation de Lee Loughridge sont essentiels pour apprécier la transition entre les décors enneigés et les jeunes personnages qui s'y amusent jusqu'à la rencontre avec le vieux tigre rouillé puis le début du voyage à bord du bateau en plastique et l'arrivée dans le pays des jouets sur une plage à marée basse dominée par un ciel gris et peuplée de peluches et autres en sale état : on passe en un chapitre de la guimauve à l'épouvante, de la joie de vivre au cauchemar.
Buckingham réalise l'intégralité de cet arc, avec en alternance à l'encrage Steve Leialoha (pour le meilleur) et Andrew Pepoy (pour le moins bon). Mais sa manière de dessiner, notamment les visages séduisants progressivement marqués par les épreuves, est admirable.

Willingham reste fidèle à l'esprit de sa série : Fables ne s'adresse pas aux enfants, c'est une bande dessinée adulte et qui n'hésite pas à explorer des pans sombres, qui dérangent, mettent mal à l'aise. Il s'autorise des apartés conséquentes pour enrichir encore son univers. C'est ambitieux, et certaines séquences sont franchement difficiles (la révélation des jouets sur leur passé, ce qui arrive à Dare, le destin de Lord Mountbaten). Ce n'est assurément pas le tome le plus sympathique de la série.

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- #112-113 : The Destiny game. Un écrivain, sur le point d'aller se coucher avec sa femme, prend auparavant le temps de rédiger une fable mettant en scène le passé du Grand Méchant Loup dans la Forêt Noire. Il y rencontre une sorcière qui, sur le point d'être dévorée, lui prédit un funeste destin. Elle est épargnée et dit ensuite l'avenir plus radieux qui attend un autre visiteur. En rencontrant une tortue, le Grand Méchant Loup découvre qu'il a été trompé par la sorcière et peut changer son avenir...

Chronologiquement, ces deux épisodes se situent avant la saga Cubs in Toyland, mais on peut les lire après sans problème car il s'agit d'une histoire située dans un lointain passé, une parenthèse qui permet surtout à Mark Buckingham de souffler un peu en étant remplacé par Gene Ha (avec l'aide de Zander Cannon).
Le dessinateur de Top Ten illustre ce dyptique de manière magnifique : ses planches sont détaillées sans être trop chargées, et la mise en couleurs de Art Lyon capture merveilleusement l'ambiance nocturne de ce conte. Le Grand Méchant Loup a une allure impressionnante et le combat final avec Magus est de toute beauté avec des effets très bien appliqués.

L'histoire elle est très efficace, une variation sur le destin et ses prédictions. On retrouve un personnage secondaire 5apparu dans Fables vol. 15 : Rose Red), la tortue avec sa tasse de thé sur le dos, qui a droit à de savoureux dialogues.
Willingham nous régale avec cette intermède qui vient clore le programme du recueil.
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Récemment, le scénariste a annoncé que la série s'achèverait au 150ème épisode : il faut donc en profiter ! En attendant, la prochaine étape nous dévoilera ce qui va arriver à Snow White dans un album éponyme...

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