lundi 13 mai 2013

Critiques 396 : REVUES MAI 2013

 Marvel Knights 8 :

Daredevil (#13-14 : Le retour du Spectre Noir - Règlement de comptes !). Menacé, en présence de Kirsten McDuffie, par un agent de l'organisation pourtant dissoute du Spectre Noir, Daredevil choisit de provoquer un combat contre toutes les entités du MégaCrime (l'Hydra, l'Agence Byzantine, l'AIM, l'Empire Secret). Le disque Oméga lui échappe dans l'affrontement... A moins que "Tête à cornes" ait été plus malin.
Cependant, la tactique de DD n'a pas fini de lui causer des ennuis : il est téléporté en Latvérie et malmené par son ministre des finances, Beltane. Ce qui signifie que désormais il est dans le collimateur du Dr Fatalis !

Mark Waid a depuis son deuxième arc (à partir du #4) développé cette intrigue du disque Oméga et de MégaCrime, tout en menant d'autres récits. Il est temps, après un an et 13 épisodes, de clore cette histoire et la résolution qu'il apporte est plutôt astucieuse, quoiqu'un brin tarabiscotée. 
Il faut dire que le plaisir est gâché car ce chapitre est mis en images par le médiocre Koi Pham, une erreur de casting reconnu par l'editor de la série lui-même (Stephen Wacker). Dommage...

Mais Waid et Wacker sont malins et l'editor a finalement réagi promptement en confirmant rapidement Chris Samnee (qui avait dessiné le #12) comme nouvel artiste régulier de la série (il l'est toujours) tandis que le scénariste rebondit en donnant une nouvelle impulsion jubilatoire à son récit. En déportant DD en Latvérie, il invoque Fatalis, un ennemi inattendu pour le héros, qui subit un traitement éprouvant immédiat. Le cliffhanger, en forme d'hommage à La Grande Evasion de John Sturges, annonce un prolongement excitant.

Samnee, quant à lui, est déjà comme chez lui et livre des planches au découpage énergique, avec des personnages expressifs, parfaits pour Waid. On va se régaler.
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Punisher (#12-13 : L'adieu aux vivants - Des enchères à l'eau). Frank Castle retrouve Rachel Cole-Alvès qui lui a faussé compagnie après l'affaire du disque Oméga. Ils conviennent d'une méthode pour mener leur croisade plus efficacement et solidairement.
C'est ainsi qu'ils infiltrent une vente aux enchères d'armes appartenant à des super-vilains et héros sur un yacht. La mission n'est cependant gagné d'avance car ils sont repérés par la sécurité à bord...

Greg Rucka poursuit directement sur les évènements survenus lors du crossover L'effet Oméga (paru dans le précédent numéro de "Marvel Knights"). Les retrouvailles de Castle et Cole-Alvès offrent une belle bagarre, aussi bien physique que morale entre ces deux chasseurs à la cible commune.
Puis le duo reformé repart en guerre et Rucka orchestre de main de maître une mission d'infiltration sur un yacht, au suspense admirable, et dont le cliffhanger promet là encore beaucoup.

Marco Checchetto (qui traversait pourtant alors des problèmes personnels) illustre l'épisode 12 : l'italien confirme qu'il est la révélation de ce run. Découpage nerveux, personnages bien campés, il sert superbement le script.
Mico Suyan le remplace ensuite : son travail n'est pas mauvais (en tout cas beaucoup plus lisible que d'autres effectués dans le passé), même s'il aurait pu se passer de donner à des figurants le visage de célébrités (on reconnaît Dean Martin, Frank Sinatra, Sammy Davis Jr) et concentrer ses efforts sur un découpage moins classique. Mais la colorisation de Matt Hollingsworth donne une belle ambiance à l'ensemble.
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Le Soldat de l'Hiver (#5-6 : Gare aux dormeurs... - Flèche brisée, Prologue). Après avoir, avec le concours du Dr Fatalis, le Fatalibot dérobé par Lucia Von Bardas et deux agents dormants du projet Zéphyr réveillés par le Fantôme Rouge et entraînés par Bucky Barnes, ce dernier, la Veuve Noire et Fatalis doivent se presser pour empêcher Von Bardas d'activer des missiles à têtes nucléaires latvériens...
Reste à savoir ce qu'est devenu le troisième agent dormant du projet Zéphyr. Le nommé Leonid Novokov est bien vivant mais dans la nature depuis douze ans et déterminé à faire payer Barnes, qu'il accuse de l'avoir abandonné à son sort et d'avoir trahi les russes...

Ed Brubaker clôt son premier arc en donnant un salutaire coup d'accélérateur à une intrigue un peu trop sinueuse et au tempo inégal. La faute à un casting de bad guys trop abondant (Dr Fatalis, le Fantôme Rouge, Lucia Von Bardas, les agents dormants). L'ambiance entre série noire et espionnage a compensé une histoire qui aurait gagné à être moins touffue.
En revanche, le second arc démarre sur les chapeaux de roue, avec une amorce bien plus accrocheuse et un traitement déjà plus synthétique, qui pose formidablement le personnage de Novokov, le dernier agent dormant du projet Zéphyr. La suite s'annonce prometteuse.

Butch Guice (encré par Stefano Gaudiano et Tom Palmer) réalise des planches superbes, où l'influence de John Buscema et Jim Holdaway est visible mais très bien digérée.
Puis le duo gagnant Michael Lark-Stefano Gaudiano prend la relève pour le 2ème arc, reformant l'équipe artistique qui faisait des merveilles sur Daredevil. C'est un vrai bonheur de retrouver cette petite bande et les planches sont somptueuses. Toutefois, il faudra vite en profiter : ils ne sont là que pour 4 épisodes, et Lark a depuis quitté Marvel (pour aller publier Lazarus, un creator-owned avec Greg Rucka chez Image)...
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Bilan : très positif - hormis Koi Pham sur DD, c'est un sans-faute. Il est hélas ! regrettable que Panini ait jugé bon de bouleverser ce sommaire dès le prochain numéro en y ajoutant une quatrième série (les nouveaux Thunderbolts de Daniel Way et Steve Dillon - beurk !).    

 Marvel Best Sellers 2 :

Avengers : Reunion (#1-5). Au lendemain de l'attaque destructrice de Norman Osborn et ses Dark Avengers contre Asgard (qui s'est soldé par la défaite des agresseurs et la mort de Sentry), Steve Rogers, Iron Man et Thor (dont les relations ne sont pas au beau fixe depuis la "Civil War") inspectent les ruines de la demeure des dieux nordiques dans les plaines de Broxton, Oklahoma. Thor, après avoir constaté le dommage subi par le "rainbow bridge", est téléporté avec Steve Rogers et Iron Man dans une dimension où les Neuf Royaumes sont emmêlés. Qui règne sur ce nouveau territoire ? Et qui détient une telle puissance pour avoir altérer ainsi les territoires ? Séparés, les trois héros vont chacun découvrir comment cet entre-monde est sous la coupe de différents belligérants, puis en se réunissant, combattre le nouveau maître des lieux qui y fait régner la terreur...

Publié en 2010-2011, cette mini-série en cinq épisodes a été réalisée dans la foulée de la saga Siege, déjà écrite par Brian Michael Bendis (et dessinée par Olivier Coipel). A l'époque, il s'agissait de conclure la période du "Dark Reign", qui était elle-même née à la fin de l'event Secret Invasion et vit Norman Osborn former sa propre équipe de Vengeurs, obligeant les héros à prendre le maquis (comme y étaient dèjà les New Avengers depuis la fin de Civil War). Siege devait signer la réconciliation du trio emblématique Captain America-Iron Man-Thor, mais c'est avec Avengers : Prime (Réunion en vf) que ces trois-là allaient vraiment se réconcilier.
Narrativement, il s'agissait aussi de rétablir, à la suite du run de J. Michael Straczynski sur la série Thor, la mythologie asgardienne telle qu'elle était avant le Ragnarok. JMS avait quitté la série parce qu'il ne désirait pas que le dieu du tonnerre soit si vite impliqué dans un event, lequel event (Siege) connaîtra un succès mitigé (histoire bancale, format raccourci, ventes décevantes). Brian Bendis devait à la fois se refaire et lancer la période suivante, l' "Heroic Age".

Et c'est une belle réussite. En vérité, on peut même dire qu'Avengers : Prime réussit partout là où Siege ne fonctionnait pas. C'est un parfait dosage entre l'action spectaculaire et la caractérisation, l'aventure et l'intimisme, la saga épique et le "buddy comic-book".
En premier lieu, Bendis répare ce que Civil War puis Secret Invasion avaient défait, à savoir la relation pivotale entre Captain America, Iron Man et Thor. Quoi de mieux qu'une bonne aventure dans un décor à la fois exotique (pour au moins deux d'entre eux) et inquiétant, avec diverses menaces, et un méchant coriace, pour redevenir amis ? C'est dans l'épreuve que les Vengeurs, et leur trio vedette, s'est toujours construit, reconstruit, renforcé.
Bendis ne change pas sa manière de procéder : peu intéressé par l'exploitation des clichés du genre, il préfère s'en amuser, et émaille son scénario de répliques malicieuses, pince-sans-rire, comme pour désamorcer à la fois les dangers que traversent les héros et leur permettre de relativiser leur brouille. On sourit souvent, tout en vibrant suffisamment. Les grincheux trouveront que le scénariste prend tout ça trop à la légère mais trop de sérieux aurait tué la fibre épique du récit.
Avengers : Réunion est un vrai "feel-good comic-book", avec des morceaux de bravoure, des rebondissements abondants, du rythme, du fun, du cool, du sexy, et à la fin, les trois amis repartent après une franche accolade, ressoudés. C'en est (enfin) terminé du "Dark Reign".
Que se serait-il passé si JMS avait pu développer Thor comme il l'entendait, si Siege et Avengers : Prime n'avaient pas interféré avec ses plans... Nous ne le serons jamais. C'est à la fois un terrible gâchis éditorial, mais Bendis aura proposé une issue très honorable et surtout très divertissante, après un event bâclé et bancal. L'un dans l'autre, ce n'est pas si mal. 

Et puis il y a Alan Davis au dessin ! L'anglais a pris huit mois pour boucler ces cinq épisodes, mais le résultat en vaut la peine. C'était un des rêves de Bendis que d'écrire pour l'artiste et il y a mis les formes en lui donnant du biscuit.
Ses planches sont splendides, d'une énergie ébouriffante, chaque chapitre étant poncuté de quelques doubles pages extraordinaires (la première apparition de l'Enchanteresse Amora, le premier face-à-face entre Thor et les hordes d'Héla, le rassemblement des alliés des trois Vengeurs, la charge finale...). 
C'est impressionnant : le découpage est fou, les attitudes sont majestueuses, les personnages expressifs, il y a un souffle puissant qui traverse chaque plan, chaque planche, encrés par Mark Farmer et sublimement mis en couleurs par Javier Rodriguez.

Bilan : un sans-faute - un récit décoiffant et souvent drôle, des illustrations renversantes. Tout ça en 112 pages et pour 5,90 E. Merci qui ? Merci Panini !

Before Watchmen 3 :

Minutemen (La minute de vérité #3/6 : Un jeu d'enfants). Le Comédien vient de tenter de violer le Spectre Soyeux et l'équipe décide de l'expulser. Ce dérapage souligne les tensions grandissantes entre les membres, partagés entre la soif de reconnaissance (même si elle repose sur des faits d'armes peu glorieux) et l'envie de mener de vraies actions bienfaîtrices (certains partent sur le front en Europe, d'autres continuent à combattre le crime en Amérique). C'est ainsi que le Hibou va apprendre à faire mieux connaissance avec la Silhouette, pour qui il éprouve de l'attirance...

Darwyn Cooke réalise toujours un travail de grande qualité : il tient son sujet bien en mains, sans complaisance il raconte à quel point les Minutemen étaient un groupe miné de l'intérieur. En quelques cases, il réussit à mettre en scène la sortie du Comédien (quand bien même on pourra lui reprocher de l'avoir montré parvenant à dominer physiquement le Juge Masqué !), les tensions entre le Spectre Soyeux et la Silhouette, l'homophobie de Dollar Bill, les sentiments du Hibou, la croisade (à la fois sincère et expéditive) de la Silhouette... La densité de l'épisode est tout de même remarquable.

Visuellement aussi, Cooke ne lâche rien et s'amuse même à parodier le style des illustrés des années 40, à employer des astuces de montage pour bousculer la chronologie ou les hallucinations (quand la Silhouette délire, blessée), avec un découpage en gaufrier extraordinairement bien maîtrisé. 
La colorisation de Phil Noto ajoute à la qualité graphique.
C'est vraiment très fort.
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Spectre Soyeux (#3/4 : Sans illusion). La fugue de Laurie prend une tournure dramatique quand son fiancé Greg échappe de peu à une overdose. Elle décide de faire son affaire à Gurustein et son complice. Cependant, sa mère fait appel à Eddie Blake pour la retrouver - et écarter le garçon qui l'a entraînée loin de chez elle...

Darwyn Cooke et Amanda Conner forment un tandem étonnamment efficace depuis le début de leur collaboration sur cette mini-série. Ils s'amusent avec le trip de Laurie, puis osent une brusque rupture de ton par la suite, qui va déboucher sur un prochain (et dernier) épisode imprévisible. Certes, tout ça n'a pas grand'chose à voir, ni à dire, avec ce qui s'inscrit dans une préquelle à Watchmen, les deux auteurs brodent en profitant d'une béance dans le récit de Moore, mais on ne s'ennuie pas à le lire : c'est déjà ça.

Conner, encore elle, alterne des planches débridées, aux cadrages audacieux (la séquence du trip), et plus sages, avec un découpage proche de celui employé par Cooke lui-même pour Minutemen. L'expressivité savoureuse qu'elle donne aux personnages, le côté polisson et cartoony à la fois de son dessin, les couleurs vives de Paul Mounts, contribuent là aussi au plaisir de la lecture.
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Le Comédien (#3/6 : Jouer avec le feu). Eddie Blake fait encore plein de vilaines choses...

On va faire vite : c'est aussi mauvais que les deux précédents épisodes et rien ne laisse penser que ça s'améliorer. Pire, on en a encore pour trois épisodes. C'est affligeant : tous les mauvais tics d'Azzarello sont concentrés dans ce portrait stupide du Comédien.

Visuellement, c'est pareil : JG Jones rend l'affaire encore plus pénible. Style photo-réaliste grotesquement figé, découpage sans relief... Tout ça me tombe des mains.
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Rorschach (#1/4 : Ville maudite). Rorschach se prend une branlée...

Et le lecteur a les yeux qui piquent. Scénario complaisant, traitement ras-de-terre du personnage, ambiance glauque sans originalité.

Et Lee Bermejo... C'est affreusement laid à regarder. DC s'est visiblement dit que ça collerait bien au personnage, mais c'est juste affligeant : rien n'est raconté, et c'est quand même mal fait !
(Si vous avez encore un doute, Urban complète l'épisode avec un article sur la Question, le personnage de Steve Ditko qui inspira Alan Moore pour Rorschach : c'est effectivement très éloquent pour prouver qu'Azzarello n'a rien compris et que Bermejo, après Ditko et Gibbons, est le pire des choix.) 
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Dr Manhattan (#1/4 : Qu'y a-t-il dans la boîte ?). Le Dr Manhattan revisite ses origines avec cette interrogation essentielle : son existence a-t-elle été le fruit d'un malheureux hasard ? Ou le fruit d'un enchaînement de faits inévitable ? Ou l'expression d'une possibilité quantique parmi tant d'autres ?

J. Michael Straczynski, guère convaincant sur le Hibou (absent du programme pour ce numéro), se montre bien mieux inspiré avec le Dr Manhattan, sans doute le personnage le plus fascinant et emblématique de la série d'Alan Moore. Il a opté pour un point de vue original, qui s'éloigne du concept "Before Watchmen", pour s'intéresser aux méditations existentielles du surhomme : celles-ci le conduisent à réfléchir aux conditions dans lesquelles il est devenu l'égal d'un dieu. Le résultat est certes un peu verbeux, mais passionnant, intrigant, avec un cliffhanger épatant qui, pour le coup, donne une perspective surprenante à tout le projet, sans dénaturer le personnage. L'astuce, sans trop en dire, c'est que JMS fait comme si ce qu'il nous racontait était sans doute une version possible, et pas une préquelle classique ou une retcon : très malin.

Cerise sur le gâteau, Noël avant l'heure : c'est Adam Hughes qui dessine la mini-série. Et si le célèbre cover-artist était attendu au tournant, il ne déçoit pas : ses pages sont splendides. Le soin maniaque de ses compositions, l'expressivité des personnages, la simplicité classieuse du découpage, l'ambiance qui se dégage du tout - magnifiée par les couleurs extraordinaires de Laura Martin - : c'est un enchantement.
Souhaitons que Hughes ait trouvé là une motivation pour redessiner des intérieurs (quand bien même ses couvertures sont toujours des joyaux).
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Bon, il y a aussi, encore, la back-up sur les pirates, mais ça, je zappe.
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Bilan : positif - malgré Le Comédien et Rorschach. Cooke, Conner et le binôme JMS-Hughes procurent quand même de grands moments, qui consolent de tout.

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