dimanche 4 novembre 2012

Critique 359 : SIX GUNS, d'Andy Diggle et Davide Gianfelice


Six Guns est une mini-série en 5 épisodes écrite par Andy Diggle et dessinée par Davide Gianfelice, publié en 2011 par Marvel Comics.
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Tex Dawson convoie Tarantula
lorsque les Black Riders s'interposent...

Tarantula, autrefois membre des Heroes For Hire, vient d'être arrêtée pour le meurtre de deux hommesau Sud de l'Etat de San Diablo. Alors qu'elle est extradée sous la garde du ranger Tex Dawson, une bande de bikers la capture pour la livrer à un homme d'affaires véreux, Vance. Mais celui-ci extermine la bande de motards, à l'exception de son chef, le Black Rider.
Un jeune prodige des flingues, le Two-Gun Kid, désireux de venger son frère tué par Vance, et un chasseur de primes, Matt Slade, espérant capturer Tarantula, se retrouvent alors mêlés à une intrigue qui lie la guerre civile sur le point d'éclater aux manoeuvres malhonnêtes de la compagnie Roxxon pour exploiter une mine située entre les deux parties en conflit de la région.
Les six pistoleros traqués vont devoir affronter les six cents fusils de deux armées privées engagées dans une vaste conspiration...
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Le Two-Gun Kid et le Black Rider
s'allient pour venger l'un son frère, l'autre sa fiancée...
Marvel a déjà tenté dans un passé récent de faire revivre sa franchise western, comme en 2006 avec l'anthologie Mighty Marvel Westerns, où figuraient déjà le Two-Gun Kid, mais aussi le Black Rider, ou Kid Colt, Red Wolf, dans leurs versions originelles ; en 2003 avec la mini-série Rawhide Kid (qui fit scandale en dépeignant le héros comme un homsexuel) ; ou quand John Ostrander signa Blaze of Glory: The Last Ride of the Western Heroes. Mais ce furent des tentatives épisodes et sans lendemain : comme au cinéma, le western n'a plus un public très fourni - et c'est ailleurs, récemment, qu'on trouve une vraie et grande réussite, avec The Sixth Gun, de Cullen Bunn et Brian Hurtt chez Oni Press.
Le tandem formé par le scénariste Andy Diggle et l'artiste Davide Gianfelice a déjà été réuni pour clore le run du premier sur Daredevil (Daredevil : Reborn). Avec Six Guns et ces auteurs, Marvel tente une nouvelle approche : utiliser des héros des années 50 (quand l'éditeur s'appelait encore Atlas comics) mais en les modernisant, en situant leurs aventures de nos jours. 
Des codes du western, Diggle a choisi de garder avant tout les thèmes forts, comme la vengeance, et des personnages archétypaux, placés hors-la-loi par le jeu des circonstances : ici, on croise aussi bien un ranger qui décide d'outrepasser les ordres de sa hiérarchie qu'un biker doublé par son commanditaire qu'un chasseur de primes, une mercenaire ou un gamin en quête de vengeance. Le changement le plus notable réside dans leur ennemi commun, qui n'est ni un chef indien, ni un bandit conventionnel, mais un affairiste à la solde d'une multinationale. Le tout transposé dans un Sud fantasmé qui doit moins à la frontière classique qu'aux pays de l'Amérique latine en proie aux trafics et aux guerillas.
Diggle a moins cherché à réinventer ces personnages qu'à les resituer, et le dispositif employé est assez ingenieux, permettant les figures imposées du western (comme les gunfights, les cavalcades - motos, voitures, avions et blindés remplaçant les chevaux et les chariots). Sur ce plan, il mène son affaire avec beaucoup de rythme et son récit est divertissant, ne s'encombrant pas de manières.
Par contre, le fond de son histoire, avec les machinations de la Roxxon, le méchant campé par Vance, la guerre civile attisée pour faire diversion, est moins convaincante et complique l'intrigue de manière artificielle, alors qu'un western (classique ou moderne) n'est jamais meilleur qu'en s'appuyant sur des bases simples.
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Vance, le méchant en col blanc de l'intrigue,
mène la vide dure aux héros...

Sur le plan visuel, le dessin de Davide Gianfelice possède un dynamisme indéniable et spectaculaire, qui convient parfaitement à un comic-book où l'action domine. Il sait donner vie et vigueur à des duels au pistolet comme à des cascades fantaisistes (comme quand Matt Slade encastre sa voiture dans l'avion au bord duquel Tarantula s'envole pour fuir).
A la fin de l'album, on découvre le sketchbook de l'artiste et ses études fouillées pour mettre au point les designs de ces pistoleros : chacun a été doté d'un look inspiré, qui évoque à la fois les cowboys classiques (avec des chapeaux, des bottes, de vraies gueules de durs-à-cuire) et des équivalents actuels (le biker pour le Black Rider, le gamer ado pour le Two-Gun Kid, la gothique pour Tarantula). Le mélange de ces ingrédients fonctionne étonnamment bien.
Alors, certes, le trait de Gianfelice n'est pas toujours joli : comme il s'encre lui-même, l'italien privilégie un dessin nerveux, plus proche de ce qu'un artiste réalise vite fait-bien fait dans les séances de dédicaces. Son découpage, même s'il est réussi dans les séquences de gunfights, n'est pas des plus inventifs. Avec plus de temps ou de soin, ses planches auraient indéniablement gagné en qualité.
Il faut aussi accepter la colorisation toujours aussi spéciale de Dave McCaig (NextwaveNew Avengers) : les dominantes de marron, ocre, orange, contrastent violemment avec des teintes plus sombres et froides, qui ne sont pas des plus esthétiques. Selon l'humeur, et les scènes, ça passe plus ou moins bien.
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Six Guns n'est à l'évidence pas une grande bande dessinée ni une relecture très fine des western comics, et si on veut se replonger dans ce genre, mieux vaut investir dans des rééditions de classiques ou relire du franco-belge (où nombre d'auteurs - passés et actuels -  continuent d'animer le genre de bien meilleure façon que les américains, comme en témoigne le récent Texas Cowboys de Trondheim et Bonhomme).
Mais c'est une bonne petite mini-série, qui se lit très vite, qui n'est pas avare en morceaux de bravoure, où Andy Diggle se montre plus efficace que lorsqu'il anime des super-héros et Davide Gianfelice anime avec énergie cette poursuite infernale.

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