lundi 9 juillet 2012

Critique 336 : NEW AVENGERS (VOL. 2, #14-16) - FEAR ITSELF, de Brian Michael Bendis et Mike Deodato

New Avengers # 14

New Avengers # 15

New Avengers # 16

New Avengers : Fear Itself rassemble les épisodes 14 à 16 du Volume 2 de la série écrite par Brian Michael Bendis, publiés de Septembre à Novembre 2011 par Marvel Comics. Les dessins sont signés Mike Deodato Jr.
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Les évènements de Fear Itself agitent l'univers Marvel : le frère d'Odin, le Serpent, dieu de la peur a été réveillé par Sin, la fille de Crâne Rouge, devenue Skadi, détentrice d'un marteau asgardien. Avec ses Dignes et les soldats de la Société de Thule, le Serpent et Skadi font régner la terreur sur Terre. Les super-héros se liguent pour faire face tandis qu'Odin prévoit de détruire Midgard pour se débarrasser de son frère.
Alors que la bataille fait rage, trois personnages traversent cette période tant bien que mal : Mockingbird est grisée par son retour aux affaires après avoir failli mourir ; Squirrel Girl doit protéger Danielle, la fille de Luke Cage et Jessica Jones pendant qu'ils sont absents ; et Daredevil, récemment revenu à New York, vient en aide à la nurse...
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Habitué à écrire les sagas évènementielles de Marvel (il en a signé trois : House of M, Secret Invasion et Siege), Brian Michael Bendis doit cette fois composer avec une histoire imaginée par un autre des "Architectes" de Marvel (comme à l'époque de Civil War, de Mark Millar, ou, dans une moindre mesure, World War Hulk, de Greg Pak).
Les séries de la franchise "Avengers" sont directement impactées par Fear Itself de Matt Fraction, car Captain America, Thor et Iron Man, sont aux premiers rangs de la résistance contre le Serpent, Sin/Skadi et les Dignes. 
Pour ne pas seulement répéter, sous un angle différent, ce qui se passe dans la saga centrale, Bendis utilise un procédé malin, aussi bien dans Avengers que New Avengers : il articule les épisodes annexés autour d'un personnage qui témoigne "face caméra" de sa condition de héros/Vengeur et de la manière dont les évènements l'affectent.
Miraculée au terme de l'arc précédent (Infinity, NA #9-13), Oiseau-Moqueur est devenue un personnage à redéfinir pour elle-même et le lecteur car ni l'un ni l'autre ne savent vraiment à quel point elle a été affectée par l'injection du mélange des formules du super-soldat et d'infinité. Théoriquement, elle possède désormais une condition physique supérieure à la normale et devrait vieillir moins vite. C'est à l'évidence ce qui la motive à se jeter dans le feu des combats avec une telle insouciance, comme si elle était grisée. Bendis réussit à donner un relief nouveau à cette héroïne qu'il a décidé de garder dans l'équipe tout en l'utilisant assez peu depuis le début du volume 2 de la série.
Ensuite, le scénariste enchaîne avec deux épisodes plus liés mais qui vont aussi participer de ce mouvement de renouveau pour le groupe : d'abord, il s'attache à mettre en valeur Squirrel Girl, la nounou de la fille de Luke Cage et Jessica Jones, surprise par l'attaque des robots géants de la Société de Thule à New York et devant regagner précipitamment le manoir des Nouveaux Vengeurs. Ensuite, alors qu'elle est à l'intérieur du QG de l'équipe, encerclé par les robots, elle reçoit l'aide inattendue de Daredevil.
Le justicier aveugle a, au terme du run d'Andy Diggle dans sa série, déserté New York, après avoir été mentalement possédé par un démon et dirigé l'organisation criminelle de la Main. Durant cette période, il a été au coeur d'un crossover (calamiteux), Shadowland, où il a "franchi la ligne" en tuant Bullseye. Puis, se resaissisant, il a fui la ville et confiant à la Panthère Noire le soin de veiller sur son quartier d'Hell's Kitchen. Il s'est ressourcé au Nouveau-Mexique (en tapant quelques malfrats quand même...) et décide de revenir à NYC pour reprendre sa vie, d'avocat et de héros, en main. La série, elle, est relaunchée, superbement, par Mark Waid, qui ne fera pas l'impasse sur les égarements du héros mais donnera un autre ton à ses aventures. 
Waid avait annoncé que si Daredevil devenait un Vengeur, ce serait comme une promotion pour le personnage et son travail d'auteur. Et Bendis a saisi, sans tarder, la balle au bond, même si, en vérité, l'idée était dans les tuyaux depuis très longtemps. Souvenez-vous : dans le premier arc, du volume 1, de New Avengers (Breakout, NA #1-6), après la grande évasion survenue à la prison du Raft, Captain America propose à DD d'intégrer l'équipe, mais à l'époque il refuse car il est empêtré dans divers ennuis (la révèlation de sa double identité, sa volonté d'écarter définitivement le Caïd, sa romance tumultueuse avec Milla Donovan, les tracasseries que lui inflige le FBI) et ne veut pas que cela rejaillisse sur le groupe. Bendis veut alors pouvoir développer distinctement les séries New Avengers et Daredevil.
Mais, en 2011, les choses ont changé : Bendis recompose, à dose homéopathique, les Nouveaux Vengeurs, et s'il n'écrit plus depuis longtemps Daredevil, il conserve de l'affection pour le héros et la situation se prête mieux à son incorporation.
En utilisant un épisode tie-in à Fear Itself, Bendis offre au personnage une entrée en scène spectaculaire, et quand, in fine, Luke Cage l'invite à rejoindre ses Vengeurs, autant par amitié que par reconnaissance pour avoir sauvé sa fille et Squirrel Girl, la transition est opportune, soulignant la formation très "street-level" de l'équipe (à part le Dr Strange et Ms Marvel, aucun New Avenger n'est finalement un héros dôté de grands pouvoirs, ce sont plutôt des héros "de terrain", urbains, en rapport avec la famille Cage - rencontrés lorsqu'il était chez les 4 Fantastiques, les Défenseurs ou dans les séries Heroes for hire et Power Man & Iron Fist).
Narrativement, et avec le choix de protagonistes imprévus, ces trois épisodes annexes fournissent un agrèable complément à la saga, sans qu'on ait le sentiment de redîtes, mais plutôt de bonus, d'extras. C'est appréciable et habile.
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Ces trois épisodes vont également marquer un tournant graphique pour la série puisque Mike Deodato non seulement reste en place (après avoir partagé la vedette avec Chaykin sur l'arc Infinity) mais va s'installer durablement sur la série, en devenant le dessinateur le plus régulier, dépassant le nombre d'épisodes de Leinil Yu.
Le style de Deodato tranche avec pas mal de ses prédécesseurs (notamment Immonen, pour citer le plus récent), mais c'est un artiste au trait puissant, maîtrisant le clair-obscur, les contrastes forts, avec des découpages énergiques. Son expérience parle pour lui (il a percé dans les 90's avant de changer de direction au début des années 2000), est devenu une vedette avec son run sur Thunderbolts (écrits par Warren Ellis) puis Dark Avengers. Quand il retrouve Bendis, avec qui il avait justement réalisé cette dernière série, il a collaboré avec Ed Brubaker sur Secret Avengers, confirmant qu'il est à son aise sur des "team-books".
Sa manière de dessiner des femmes à la fois sexys et fortes fait merveille dans les chapitres consacrés à Mockingbird et Squirrel Girl, mais quand il anime Daredevil, il évoque un mix épatant de Gene Colan et Joe Kubert. Et sa complicité avec le coloriste Rain Breredo est un autre atout.
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Trois épisodes, mais très bons, et qui donne envie de savoir où la série va continuer de s'aventurer...        

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