vendredi 6 mai 2011

Critique 228 : RUSE 1 - L'AFFAIRE MIRANDA CROSS, de Mark Waid et Butch Guice

Après avoir découvert El Cazador, vestige de CrossGen, j'ai voulu poursuivre ma découverte de ce défunt éditeur en acquérant le premier tome de Ruse, série qui en compte trois. Je me le suis procuré en v.o. mais j'édite la couverture de l'édition française (Semic), qui avait traduit le titre dans un format à l'italienne parfaitement indiqué.
Ruse est écrit par Mark Waid, scénariste expérimenté, à qui on doit un brillant run sur les FF avec le regretté Mike Wieringo, et dessiné par Butch Guice, qui s'est distingué dans moults productions de qualité chez Marvel (en ce moment Captain America) et DC (Aquaman, par exemple). Ajoutez-y Mike Perkins à l'encrage et Laura Depuy Martin aux couleurs, et vous aurez une idée de la "dream team" à l'oeuvre sur Ruse, publiée en 2001-2002.
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Le héros de Ruse est peut-être moins Simon Archard, infaillible détective, que son assistante Emma Bishop, capable d'agir sur le temps en le figeant. A Partington en Angleterre, où les gargouilles sont réellement animées et planent au-dessus de cette cité en pleine révolution industrielle à la fin du XIXème siècle, la police fait souvent appel à ces fins limiers pour débrouiller des affaires criminelles. Leur résolution flatte l'égo d'Archard mais ne suffit plus à tromper son ennui.
Jusqu'à ce qu'arrive en ville la mystérieuse et troublante Miranda Cross, Baronne de Kharibast, dont la présence semble liée à des troubles parmi les notables. Rapidement en effet, le maire, le patron de la gazette locale, le chef de la police et le banquier se retournent contre Archard qui, de chasseur, devient proie. Pour ne rien arranger, Miranda ne craint pas les pouvoirs d'Emma...
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La référence à Sherlock Holmes n'aura échappé à personne, mais Mark Waid a élaboré une variation astucieuse de la créature d'Arthur Conan Doyle en nous narrant ses exploits du point de vue de sa partenaire. En transformant le Dr Watson en femme, qui plus est pourvu de charmes et de pouvoirs surnaturels, il ironise sur l'arrogance du détective génial dont il fait un homme rongé par l'ennui quand bien même il évolue dans des affaires et un cadre fantastiques.
Le procédé est habile et permet au récit d'être gentiment pimenté, même si Waid abuse de la voix-off qui ralentit l'action. De fait, Ruse ennuie un peu le lecteur comme ses enquêtes ennuient Simon Archard, poliment mais sûrement. On a parfois le sentiment que Waid s'est un peu bridé, n'osant pas traiter de manière plus sarcastique son sujet et son héros, alors même qu'il est un scénariste tout à fait capable à la fois de respecter les codes d'un genre tout en prenant ses distances (ses FF en étaient le meilleur exemple).
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En revanche il est difficile de faire la fine bouche devant la qualité exceptionnelle de l'équipe graphique, assurèment une des plus belles qu'on puisse apprécier sur un comic-book : Butch Guice et Mike Perkins ont uni leurs efforts pour livrer des planches somptueuses, aux décors incroyablement fouillés, aux personnages fortement typés et à l'allure d'une élégance fabuleuse. Le résultat est bluffant.
Laura Depuy Martin magnifie cela avec une palette de couleurs d'une admirable subtilité : c'est un régal pour les yeux.
Le 6ème épisode est réalisé par Dave Johnson et Paul Neary, sur des couleurs de Jason Lambert, sans qu'ils aient à rougir de la comparaison, même si c'est un cran en dessous - inévitablement a-t-on envie d'ajouter.
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Un titre atypique, référentielle, mais pas tout à fait abouti, qui vaut surtout pour ses illustrations impressionnantes. CrossGen produisait du matériel de qualité, à redécouvrir assurèment - et Marvel l'a compris puisqu'une nouvelle série Ruse a été commandée, toujours avec Waid aux commandes et Marco Pierfederici aux dessins.

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