mardi 21 décembre 2010

Critique 194 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 10 - LES PIRATES DU SILENCE & LA QUICK SUPER, de Franquin, Rosy et Will

Deux Aventures de Spirou et Fantasio : Les Pirates du Silence & La Quick Super est le 10ème album de la série, sorti en 1958. Il comporte donc deux histoires, la première étant écrite par Rosy, et dessinée par Franquin avec l'aide de Will pour les décors, comptant 46 pages ; et la seconde en comptant une quinzaine.
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- Les Pirates du silence : Le Marsupilami arrive, épuisé, chez Spirou et Fantasio. Comprenant qu'il vient de chez le comte de Champignac, les deux héros téléphonent à ce dernier, sans succès. Fantasio convainc Spirou, malgré cela, de l'accompagner pour Incognito City, ville où se réfugient vedettes et milliardaires, où il compte faire un reportage - bien qu'y soient interdits les appareils photos.
En route, ils font la connaissance de Juan Corto dos Orejas y Rabo, qui ose les défier en voiture, avant de les inviter chez lui, à Incognito City justement, pour s'excuser. Puis, en s'arrêtant à une station service, ils interrompent une dispute musclée entre le garagiste et deux brutes.
Arrivés à destination, Spirou et Fantasio, après avoir été refoulés d'un palace refusant les animaux, sont hébergés par Alphonse Minet qui s'est entiché de Spip et du Marsupilami. Lors d'une conversation, l'animal révèle à ses maîtres qu'il est doué de parole - comme un perroquet il est capable de répéter certains mots !
Les deux amis décident ensuite de rendre visite à Juan Corto pour lui rendre une mystérieuse fiole qu'il a perdu lors de leur première rencontre. Chez le milliardaire, ils aperçoivent les deux brutes de la station service, en habits de chauffeur et de valet.
Spirou tente à nouveau de téléphoner au comte de Champignac dont le silence commence à l'inquiéter. De retour chez Minet, il trouve le pauvre homme ligoté et qui lui apprend que Fantasio a été enlevé. Le Marsupilami part à sa recherche et sème Spirou en allant jusque chez Corto.
L'animal revient chez Minet et nomme Juan Corto. Spirou comprend que Fantasio se trouve là-bas et découvre, une fois sur place, que le comte est également otage de cet homme qui prépare un hold-up d'envergure en ville grâce à un gaz soporifique créé par Champignac. Celui-ci a heureusement un antidote qu'il injecte à ses amis mais aussi à Spip et au Marsupilami. Ensemble, ils s'emploient alors à stopper les voleurs en leur arrachant leurs masques à gaz jusqu'à l'arrivée de la police, prévenue par Minet et Champignac.
Fantasio , qui a pris des photos grâce à des appareils cachés dans sa pipe et sa montre, croit tenir un reportage sensationnel. Mais c'est sans compter sur le Marsupilami qui le répéte alors à voix haute !

- La Quick Super : M.Content, propriétaire d'un garage, furieux de s'être voler plusieurs voitures et d'être suspecté, accepte quand même que Fantasio (accompagné de Spirou et Spip) essaie son dernier modèle, la Quick Super.
Les deux héros rencontrent peu après le détective de la compagnie d'assurance qui partage ses informations - Content a travaillé dans le passé pour le cirque Zabaglione, qui avait enlevé le Marsupilami (dans le tome 5 : Les Voleurs du Marsupilami) - en échange de leur aide pour coincer les voleurs.
Après une nuit passée à dormir dans la voiture, Spirou et Fantasio poursuivent leurs tests quand le groom aperçoit dans une foire le géant Goliath. Il comprend alors que c'est son acolyte, le nabot directeur du personnel, qui vole les voitures en se cachant dans leur coffre, et qu'ainsi Content escroque les assurances.

Comme le tome suivant, Le Gorille a bonne mine, Les Pirates du Silence est un album mal-aimé de certains fans et de Franquin, qui le jugeait inabouti. C'est pourtant comme le n°11, un opus à réhabiliter car très agrèable à lire.
Quels reproches adressent les détracteurs à ce livre ? De proposer deux histoires moins ambitieuses que de grands classiques antérieurs et ultérieurs, mais ces histoires sont-elles pour autant mauvaises ?
En vérité, Les Pirates du Silence présente la faiblesse inverse du Gorille a bonne mine, dont le récit aurait pu être plus développé : ici, l'argument est peut-être au contraire trop mince pour tenir 46 planches, mais cela ne signifie pas qu'on s'ennuie en le lisant.

Par exemple, l'idée d'endormir une ville entière pour un braquage est ingénieuse et offre un affrontement final spectaculaire (même si Franquin aurait pu facilement en tirer plusieurs planches pleines de cascades comiques). La ville hyper-sécurisée, refuge de riches propriétaires, est déjà une excellente idée en soi et les ruses de Fantasio pour y faire un reportage à sensations, finalement ruinées par la faute du Marsupilami, sont savoureuses. Il aurait été amusant d'inclure Seccotine dans ce récit, effectuant un sujet similaire et concurrent, propice à énerver Fantasio.

Mais, comme il l'a confié à Numa Sadoul (dans le livre d'entretiens Et Franquin créa Lagaffe), Franquin s'est lancé dans cet album en étant vite à court d'idées. Rosy a été appelé à la rescousse et a construit l'histoire, comme le fera par la suite Greg (même si Franquin sera beaucoup plus interventionniste avec ce dernier). Démotivé, un peu honteux, l'artiste a avoué avoir dessiné ce scénario sans conviction.

C'est pourtant un résultat loin d'être déshonorant : les planches sont très élégantes, dynamiques, jamais on ne sent que Franquin s'est forcé pour les réaliser. Le décor est peut-être insuffisamment exploité, mais l'animation des personnages, l'exposition de l'action est parfaitement lisible et efficace.
Créateur exigeant, d'abord avec lui-même, l'artiste n'a pas à rougir de cette aventure.

La seconde partie du programme, La Quick Super, présente également une intrigue plutôt bien ficelée, qui ne mérite pas la sévèrité de son auteur et de certains fans.
Franquin fait référence à un précédent album (le tome 5 : Les Voleurs du Marsupilami) avec habileté pour dénouer cette histoire de vols de voitures. Les véhicules permettent à l'artiste de se (et nous) faire plaisir et la séquence finale où Spirou comprend la magouille de Content et où la Quick Super finit dans le décor est remarquablement découpé, témoignant de la virtuosité avec laquelle Franquin parvenait déjà, bien avant les meilleurs gags de Gaston, à simuler le mouvement dans une suite de vignettes que le lecteur n'aurait pas eu l'idée de zapper pour arriver plus vite en bas de page.

Un album à reconsidérer : ce n'est effectivement pas un sommet du run, mais loin d'être un ratage.

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