mardi 9 novembre 2010

Critique 178 : RUNAWAYS, Vol. 1 (#1-18), par Brian K. Vaughan, Adrian Alphona et Takeshi Miyazawa


Pride and Joy (Runaways #1-6)
(Avril - Septembre 2003)
Teenage Wasteland ( Runaways #7-12)
(Octobre 2003 - Février 2004)
 The Good Die Young (Runaways #13-18)

(Mars 2004 - Juillet 2004)

Comme toutes les grandes et bonnes séries, Runaways repose sur un postulat simple : comment réagiriez-vous si, encore adolescents, vous découvriez que vos parents étaient des criminels ? C'est ce qu'apprennent accidentellement, une nuit, Alex, Karolina, Nico, Gert, Chase, et Molly en surprenant leurs parents tuant lors d'une cérémonie occulte une jeune fille de leur âge. Résolus à en savoir plus mais voulant échapper au même sort, ils décident de fuguer, après avoir dérobé chez chacun de leurs géniteurs divers objets les dôtant de pouvoirs, et particulièrement un grimoire riche en enseignements sur leur passé. En vérité, les Wilder, Dean, Minoru, Yorkes, Stein et Hayes forment un groupuscule, The Pride, dont six d'entre eux, choisi par des divinités, les Gibborim, deviendront immortels après avoir transformé la Terre en un monde meilleur.
La police locale (l'action se situe à Los Angeles, Californie) est sous le contrôle de cette petite organisation, et les enfants ne peuvent donc compter sur elle pour les aider. Ils entreprennent alors de devenir des justiciers pour contrebalancer les agissements maléfiques de leurs parents, mais avec le risque permanent d'être localisés et stoppés.
Les Fugitifs sont :
- Nico Minoru alias Sister Grimm, fille d'un couple de magiciens dont elle possède une lance (the Staff of One) ;
- Chase Stein, fils de deux inventeurs auxquels il a volé des gants cracheurs de feu ;
- Gertrude Yorkes, fille de voyageurs temporels, accompagnée par un vélociraptor trouvé dans la cave familiale et auquel elle est mentalement reliée ;
- Karolina Dean, fille de deux acteurs, venus d'une autre planète, aux pouvoirs lumineux et capable de voler ;
- Molly Hayes, la benjamine, mutante comme ses parents, dôté d'une force herculèenne ;
- et enfin Alex Wilder, le leader, pourvu d'un sens stratégique supérieur à la moyenne.
Pour ne rien arranger, un traître est dans leurs rangs, comme le leur dévoile le Lieutenant Flores, lancé à leurs trousses...
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Runaways est une série créée par le scénariste Brian K. Vaughan et le dessinateur Adrian Alphona, publiée par Marvel Comics pour le label Tsunami (voué à attirer de nouveaux jeunes lecteurs, notamment des fans de mangas). Ensemble, ils ont signé deux volumes, le premier comptant 18 épisodes rassemblés en trois albums, le second comptant 24 épisodes rassemblés en quatre albums, édités de 2003 à 2007.
Cette production a pour héros des adolescents et Vaughan en a profité pour glisser de nombreuses références à la pop-culture (chanson, cinéma) et à sa propre vie.
Dans le pitch proposé à Marvel, Karolina Dean se prénommait d'abord Leslie - son nom de famille, comme on l'apprend dans l'épisode Eighteen (vol. 1, #18) est emprunté à James Dean, et ses parents sont d'ailleurs des acteurs.
Molly Hayes est le nom de la soeur cadette de l'auteur, Molly Hayes Vaughan. Le personnage devait également avoir non pas 11 mais 13 ans.
Nico Minoru s'appelait d'abord Rachel Messina. Chase Stein se prénommait initialement John et Gert, Gertie.
Quant à Catherine Wilder, la mère d'Alex, elle a été dessinée pour ressembler d'abord à la chanteuse Sade.
On peut encore remarquer que Gert se rebaptise Arsenic après avoir nommé son compagnon vélociraptor Old Lace, référence au film Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and old lace), de Frank Capra (1944). Karolina prend pour pseudonyme Lucy in the sky, hommage évident à Lucy in the sky with diamonds de Beatles (figurant sur l'album Sergeant Pepper's lonely heart club band, 1966). Chase veut s'appeler Neo, comme le héros du film Matrix (1999), de Larry et Andy Wachowski, incarné par Keanu Reeves. Quant à Sister Grimm, le nom de code choisi par Nico, il doit être inspiré par Sisters Grimm, la série écrite par Michael Buckley et illustrée par Peter Ferguson.
L'autre qualité de la série tient à ce qu'il est inutile d'être familier ou même particulièrement fan des super-héros pour l'apprécier. Quelques personnages célèbres de Marvel font des apparitions à la toute fin, comme Captain America, et dans le 2ème tome, le temps de deux épisodes, Cloak and Dagger (la Cape et l'Epée, deux créations de Bill Mantlo, ancêtres des Runaways puisqu'il s'agissait de deux ados dôtés de pouvoirs après avoir fugués et avoir été drogués) croisent leur route. En dehors de cela, Vaughan et Alphona ont évacué tous les clichés attachés au genre : pas de costumes (à part pour certains parents), pas de grandes bastons spectaculaires (sauf lors du dénouement), pas de hordes de méchants...
En revanche, le scénario est redoutablement efficace, ménageant des rebondissements haletants (l'intégration de Topher, la révèlation du traître) sur un rythme soutenu : on dévore ces 18 épisodes sans s'en rendre compte, sans s'ennuyer une seconde, avec des personnages fortement et subtilement caractérisés, aux relations habilement développées jusqu'au bout. Vaughan réussit l'exploit de ne jamais tomber dans la facilité, la mièvrerie, les clichés de l'adolescence. Il s'en amuse parfois, en commençant par l'argument de départ, mais sans jamais se moquer de ses personnages. Les dialogues sonnent justes. C'est vraiment exemplaire et cela confirme tout le bien que l'on pouvait penser de cet auteur, déjà si bon quand il devait animer des personnages comme les Ultimate X-Men.
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Il m'a fallu un peu de temps pour m'habituer au graphisme d'Adrian Alphona, mais une fois accoutumé, son trait fin, d'une impeccable élégance, excellent dans l'expressivité, est un régal pour les yeux. Tout juste peut-on lui reprocher parfois de cadrer d'un peu trop près l'action ou de ne pas donner assez d'ampleur à la gestuelle de ses personnages, mais cela ne suffit pas à gâcher le plaisir.
Et quand il est suppléé par Takeshi Miyazawa, les craintes de se trouver avec un dessin plus manga sont aussitôt dissipées : c'est un exemple de fill-in à la fois intelligent et efficace.
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Découvrez Runaways, c'est tout simplement une des meilleures créations originales récentes de Marvel : un vrai bol d'air frais, merveilleusement écrit et mis en images !

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