samedi 27 juin 2009

Critique 66 : JUSTICE SOCIETY OF AMERICA THY KINGDOM COME 1, de Geoff Johns, Alex Ross, Dale Eaglesham et Fernando Pasarin













Justice Society of America : Thy Kingdom Come, part 1 contient les épisodes 7 à 12 de la série régulière, et se situe chronologiquement après Justice Society of America : The Next Age et le crossover Justice League of America-Justice Society of America : The Lightning Saga.
Ces épisodes ont été publiés par DC Comics de Septembre 2007 à Mars 2008 et ils ont été écrits par Geoff Johns (seul pour les n°7 et 8) avec Alex Ross (à partir du n°9).
Dale Eaglesham a illustré les n°7-9-10-11-12, où figurent des images originales peintes par Ross, tandis que Fernando Pasarin a assuré l'intérim sur le n°8.
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Dans The Next Age, les trois vétérans de la JSA - Alan Scott, Jay Garrick et Wildcat - entreprennent (à la demande de Superman, Batman et Wonder Woman) de recruter et former de nouvelles recrues, descendantes d'anciens membres de l'équipe. Pour cela, ils obtiennent l'aide d'Hourman et Liberty Belle qui abordent Damage (le fils de feu Al Pratt/Atom), Power Girl et Mr Terrific qui enrôlent Cyclone (la petite fille de Ma Hunkel/Red Tornado I, désormais intendante du QG de la JSA), Stargirl et Dr Mid-Nite qui trouvent Starman (membre de la Légion des Super-Héros en provenance du XXXIème siècle), et Hawkman qui leur emmène Citizen Steel (petit-fils et frère des Commander Steel), tandis que Wildcat s'est découvert un fils, Tommy Bronson...
Ce dernier a vu sa famille massacrer par le groupe du IVème Reich, complice de Vandal Savage, dont le projet était d'exterminer tous les fondateurs de la JSA et leurs enfants. Mais ce plan échouera grâce aux anciens et nouveaux membres de la Société de Justice.
Puis la JSA a assisté la JLA, lors de The Lightning Saga, où elles ont découvert que plusieurs membres de la Légion des Super-Héros étaient revenus au XXème siècle. Leur présence a permis le retour inattendu de Wally West/Flash III et de sa famille... Mais Starman a également révèlé à ses partenaires d'où il venait et choisi de demeurer avec eux.

Ce receuil démarre avec deux histoires consacrés à des recrues de la JSA :

- D'abord, Citizen Steel qui a vu Captain Nazi et son quatrième Reich quasiment éliminer toute sa famille : dans cette affaire, le jeune homme infirme (amputé d'une jambe après une blessure subie lors d'un match de foot) a blessé Reichsmark et a été exposé à sa salive de métal liquide. Nathan Heywood se réveille dans le laboratoire du Dr Mid-Nite et découvre que son organisme a assimilé la substance métallique du criminel néo-nazi au point que sa jambe a repoussé et que sa peau est devenue indestructible. Sa masse corporelle a du même coup dramatiquement augmenté et il ne peut plus se déplacer sans briser le sol ni même toucher un objet sans le briser. Il trouvera un semblant de paix en se passant les nerfs sur un groupe de fachos ayant pris des étudiants en otage puis en retrouvant quelques survivants de sa famille...
- Puis, c'est au tour de Liberty Belle d'être examinée, et à travers elle Damage avec qui elle partage une enfance malheureuse : elle a vu ses parents divorcer, sa carrière de super-héroïne contrariée ; il n'a jamais connu son père et veut se venger de Zoom qui l'a défiguré. C'est en le convainquant de ne pas tuer son ennemi qu'elle se - et le - réconcilie avec elle - lui - même.

Ensuite démarre vraiment la saga intitulée Thy Kingdom Come.

Alors que la JSA fête l'arrestation de Vandal Savage avec les pompiers, un incendie se déclare dans une usine. L'équipe intervient et découvre dans le bâtiment en flammes le cadavre du démon Goth. Pour éteindre le feu, Starman créé alors un trou noir qui aboutit à une explosion. Peu après, le justicier est sorti de l'immeuble par Superman - mais un Superman plus vieux, arborant un "S" noir sur la poitrine, et provenant d'une dimension parallèle (celle de Kingdom Come, le récit d'anticipation apocalyptique de Mark Waid et Alex Ross )!
L'apparition de ce personnage va ébranler toute la JSA, à commencer par Power Girl, qui le prend d'abord pour son cousin ressucité
(Kal-L, le Superman d'Infinite Crisis), puis les autres membres auxquels il raconte comment le monde d'où il vient a sombré dans le chaos à cause de super-héros mal formés et partisans d'une justice expéditive. L'incarnation de cette décadence était un certain Magog, devenu l'idôle des foules après avoir abattu le Joker, jusqu'à ce qu'une des interventions n'oblige les héros à se réunir pour diriger le monde en matant les redresseurs de torts dégénérés. En réponse, les gouvernements lâchèrent une bombe sur les surhommes...
Ce Superman venu d'ailleurs fait alors prendre conscience à la JSA qu'elle a la possibilité et même le devoir d'éviter semblable hécatombe dans cette dimension, en éduquant les jeunes héros pour mieux prévenir d'éventuels débordements comme ceux qu'a causé Magog.
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Les deux premiers chapitres de ce recueil permettent à la fois de "digérer" les évènements survenus dans The Next Age, en se penchant sur deux personnages emblématiques de ce que la JSA est devenue - un héros malgé lui, une héroïne ayant trouvé sa voie en intégrant la Société -, et de préparer aux profonds bouleversements que va entraîner la longue saga Thy Kingdom Come.
Geoff Johns et Alex Ross, qui a participé à la construction du récit et participé graphiquement en signant de nouvelles peintures (en plus des couvertures, comme depuis le relaunch de la série) entament doucement leur épopée, dont on devine tout de suite qu'elle est partie pour durer un moment tant les questions qu'elle pose sont nombreuses, ses acteurs multiples et ses conséquences encore plus considérables.
Avec ce nouveau Superman qui débarque, ce sont tous les héros qui sont bouleversés : d'abord parce qu'ils existent désormais deux "Men of steel" sur notre monde, ensuite parce qu'il vient d'un monde ravagé, et enfin parce qu'il évoque tout de suite (en particulier à Power Girl) ce qui s'est déroulé durant Infinite Crisis (où Kal-L, le Superman de Terre II, est mort).
Conscient qu'il ne peut rejoindre son monde, "Kingdom Come Superman" tente de s'adapter en prêtant main forte aux justiciers, qui, en retour, essaient d'en savoir plus sur lui : la JLa est sollicitée pour lui faire passer une batterie de tests (soumis au lasso de vérité de Wonder Woman, présenté à Kal-El alias le Superman de notre Terre, examiné par Mr Terrific et les Green Lanterns Hal Jordan et John Stewart), tandis que Jay Garrick et Flash III utilisent le tapis roulant cosmique de Barry Allen et découvrent la possible existence d'une Terre parallèle (mais est-ce celle de leur visiteur ?).
Il assiste aussi la JSA lorsqu'elle vient en aide à Judomaster, la fille d'un yakusa repenti attaquée par des mercenaires japonais. Avec l'apparition de cette jeune femme, une nouvelle phase de recrutement est entamée, qui verra l'incorporation d'Amazing Man, l'héritier d'un activiste black ; Lightning, la fille de Black Lightning (membre de la JLA) incapable de maîtriser ses pouvoirs ; David Reid, un soldat engagé en Afghanistan et arrière-petit-fils du Président Roosevelt (fondateur de la Société de Justice) ; et Jakeem Thunder, l'adolescent accompagnée du génie magique Thunderbolt.
Ces nouveaux personnages viennent complèter l'effectif déjà abondant de l'équipe, soulignant bien qu'il s'agit davantage d'une grande famille que d'un simple groupe de justiciers, et tous dôtés d'un "background" personnel original qui les caractérise immédiatement : Johns aborde à travers eux la diversité ethnique (Judomaster est asiatique ; Amazing Man, Lightning et Jakeem afro-américains), générationnelle (Jakeem est à peine sorti de l'enfance ; Lightning a le même âge que Stargirl et Cyclone) et philosophique (Judomaster cherche à expier les crimes de son père ; Amazing Man est un militant et un homme de foi).
La richesse de ces individus démontre une fois encore le soin que le scénariste apporte à son casting.
Une troisième voie est explorée, en parallèle à celle du "Kingdom Come Superman" et des nouvelles recrues : elle concerne l'enquête que mène le nouveau Mr America sur les assassinats de plusieurs méta-humains assimilés à des demi-dieux. D'abord, qui est ce nouveau Mr America ? Il s'agit de Jeffrey Graves, le contact au sein du FBI de Trey Thompson, tué par Vandal Savage (dans The Next Age) : un nouvel exemple de la "transmission héroïque", le thème de prédilection de la série. Ensuite, il suit la trace de victimes semblables à Goth, le démon dont le cadavre se trouvait dans l'usine incendiée d'où a surgi "KC Superman". Tout est lié, mais qui supprime ces surhommes ? Et pourquoi ? Lorsqu'il va identifier le coupable, Mr America se réfugiera au QG de la JSA en demandant si le nom de Gog évoque quelque chose à quelqu'un - Gog, Magog : troublante et quasi-homonymie...
Le procédé narratif de Johns et Ross requiert de la patience et de la vigilance car, comme on le voit, des éléments antérieurs sont cités et annoncent subtilement ce qui se produira ensuite. Mais, du même coup, ce puzzle donne à l'ensemble de la cohérence et de la solidité, formant un vrai bloc narratif.
L'effet est immédiatement addictif car on brûle d'en savoir plus, on est intrigué par la toile qui se dessine sous nos yeux et dont on devine à peine l'aboutissement - la suite prouvera d'ailleurs que ces prémices ne sont que la partie visible d'un gigantesque iceberg. En même temps, pour une fois, les auteurs ont vraiment intégré les atouts de la narration "décompressée" en donnant une véritable ampleur romanesque, et même feuilletonnesque, à l'histoire : "compactée" en recueil, celle-ci n'est pourtant pas résolue en un seul volume et un authentique suspense s'installe.
L'autre avantage de ces épisodes tient dans la tonalité de l'écriture qui, malgré une gravité sensible, rend le tout très agréable : les descriptions des personnages sont exposées sur un rythme enlevé, parfois avec humour - comme avec Starman (à la fois loufoque et énigmatique), Jakeem (qui s'offusque qu'on le reçoive pas mieux), Lightning (dont les pouvoirs lui gâchent l'existence), Cyclone (irrésistible pipelette ingénue) ou Wildcat Jr (qui fait enrager son paternel).
Le récit est ponctué de scènes d'action spectaculaires, intervenant toujours pour éclairer la situation des personnages impliqués : on se régale avec cette ribambelle de héros apprentis ou aguerris, dysfonctionnelle au possible.
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Visuellement, la série reste également un éblouissement total grâce au virtuose Dale Eaglesham : aussi à l'aise pour dessiner les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, il donne à tous une expressivité magnifique, qui traduit au mieux toutes les émotions par lesquelles ils passent.
Mais il est aussi brillant lorsqu'il s'agit de mettre en scène des séquences d'action où il ne néglige jamais rien : admirez plutôt le soin maniaque avec lequel il compose les décors, les arrière-plans, vous verrez rarement cela ailleurs.
Bien sûr, cette précision et ce goût pour les doubles-pages a un prix : la série a pris du retard, au point que Fernando Pasarin ait été sollicité comme artiste fill-in - un rôle qui va aller crescendo ensuite, en faisant le véritable second artiste du titre. Mais l'espagnol se montre tout à fait à la hauteur d'Eaglesham, dans un registre différent mais tout aussi appliqué.
Autre conséquence : les encreurs défilent, apparemment eux aussi débordés par ce qu'ils doivent parachever (Ruy José est remplacé par Rodney Ramos et Drew Geraci). Mais, miraculeusement, subsiste une cohérence esthétique.
Mais ces petits désagrèments sont compensés par la contribution d'Alex Ross, qui, en plus de son rôle de co-auteur, nous gratifie de nouvelles vignettes peintes, véritables passerelles visuelles entre la série et Kingdom Come, auquel elle est étroitement connectée. Et le Maître continue de signer de magnifiques couvertures (dont Eaglesham donne des versions alternatives tout aussi remarquables).
Comme dans le TPB de The Next Age, DC a complété le volume de quelques croquis, permettant d'apprécier les études réalisées pour les designs des personnages et les couvertures.
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Ce nouveau recueil est donc un sans-faute : gâté, le lecteur peut attendre sereinement la suite... Elle ne le décevra pas !

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