mardi 24 mars 2009

Critique 1 : EXIT WOUNDS de Rutu Modan


Voici une histoire à la fois émouvante et drôle (mais d'un humour finalement assez noir) sur ce qui se passe en Israël, où comme chacun le sait la situation est des plus complexes, comme l'a récemment prouvé l'affrontement dans la bande de Gaza.
Je ne me risquerai pas à vous en livrer une analyse d'ailleurs, tant le sujet est sensible et divise l'opinion.C'est d'ailleurs une bd qui est déconnectée assez rapidement des questions religieuses et politiques, même si le conflit est présent en arrière-plan.
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C'est précisèment à cause d'un attentat que tout démarre : un homme y a disparu et un des cadavres reste non indentifié. Est-ce le fils du héros, Koby, un chauffeur de taxi, célibataire, qui s'est brouillé depuis longtemps avec son père ? Est-ce aussi l'amant d'une jeune femme, comme elle en est convaincue et cherche à en persuader Koby ? C'est en tout cas ce qui va provoquer l'improbable rencontre de ces deux personnages et les conduire à mener leur enquête.
Une investigation sentimentale en fait au terme de laquelle ils trouveront tout autre chose que ce pour quoi ils s'étaient réunis.
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C'est en vérité une sorte de "road comic-book" que cet "Exit wounds" (expression par laquelle on désigne le point de sortie d'un projectile sur sa cible, et qui est ici employé de manière plus symbolique pour signifier la sortie d'un deuil, d'un conflit personnel, voire donc politico-religieux - quelque chose d'à la fois violent et net). C'est aussi une bd qui traîte de la filiation ou d'une romance contrariée entre deux amants d'âge différent ou que rien ne prédisposait à se rencontrer.
Modan est une scénariste et dessinatrice qui possède indéniablement un sens affûté pour construire une histoire par petites touches subtiles mais aussi pour la narrer graphiquement avec une composition raffinée. Ce sentiment est renforcé par l'emploi de couleurs pastels, qui atténue le contexte brutal et souligne la délicatesse des émotions en jeu. On l'oublie souvent mais les gens qui vivent là-bas, dans ces régions traversées par des guerres incessantes, mènent aussi leur existence, bon gré mal gré, s'aiment, se déchirent, vivent, vibrent, hésitent : ils ont intégré la situation dans laquelle ils évoluent, qui fait leur quotidien, qui fait partie d'eux. Comme des bombardements intimes, la vie s'arrête puis repart au gré des "évènements".
On pourra préférer la qualité de l'écriture à celle du dessin, parfois un peu monotone, sans grand relief - à moins de considérer ce style comme une preuve de modestie refusant l'emphase. Mais c'est d'abord une remarqable réussité évoquant la quête d'identité(s) - familiale, amoureuse. Et c'est aussi une lecture très agréable, rapide, avec une certaine grace.Une vraie découverte.

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